« Le camping du lac » d’Éléonore Saintagnan

Narration personnelle sans ego-trip

Passée par Le Fresnoy et Sciences-Po, Eléonore Saintagnan est connue comme plasticienne et vidéaste, mais elle a aussi gagné plusieurs prix comme réalisatrice avec ses courts-métrages, notamment Une fille de Ouessant. Elle se donne la voix et le rôle principaux dans ce premier long-métrage qui commence comme une longue loose : une jeune femme en crise quitte Bruxelles pour voir la mer et se trouve en panne à quelques kilomètres des dunes, près du lac de Guerlédan, en Bretagne. Elle est immobilisée dans un mobile-home, dans un camping quasiment désert, à l’exception de quelques égaré.e.s qui y vivent à l’année… Elle se met à enregistrer les oiseaux et à documenter la vie des voisin.e.s. La réalisatrice met pas mal de temps à montrer son visage, qui fait un peu écho à celui de Valérie Donzelli, pour se fondre dans son sujet. Ce qui est d’un nombrilisme plutôt light et doux !

Kitsch et Cult catholique(s)

Surtout, elle régénère avec brio une légende locale. Celle de Saint-Corentin, figure de saint mythique qui parlait aux poissons et qui en mangeait un par petits bouts en le laissant se régénérer la nuit pour qu’il puisse continuer à se nourrir. En coup d’éclat final, ce poisson réincarné serait devenu immense et se cacherait dans le lac. Délicatement souligné de musique acidulée et orné de la légende historique comme une enluminure, le film dérape quand le poisson apparaît et crée l’hystérie collective…

Du brio, des vitamines et de la finesse !

C’est branché en rebondissant sur une magie catholique finalement assez grand public. C’est également brillant avec peu de moyens en 1 h 10 tout mouillé ! Et ce Camping du Lac est surtout assez malin sur la psychologie des foules. Sans compter que cette version bretonne traditionnelle de la très belle légende de saint François d’Assise, nous permet de réaliser comment le “less is more” est à la fois un principe esthétique et écologique. Le film propose en bonus track, dans le rôle de la grande invitée qu’on n’attendait plus, Rosemary Standley, qui pousse la chansonnette…