Iels se sont rencontré·es sur les bancs du CNSAD, où iels ont joué dans Le Rameau d’or de Simon Falguières. Agathe Mazouin et Guillaume Morel décident désormais de soumettre au public lors propre création, une mise en scène contemporaine du Conte d’hiver, programmée au TGP dans le cadre de Premiers Printemps, dédié aux jeunes artistes.
Un conte d’hiver, par son esthétique de l’abondance, est un condensé des questions que posent les pièces de Shakespeare aux metteurs et metteuses contemporain·es : comment mettre en scène une pièce qui s’étend sur près de vingt ans, mêle à ce point le comique au drame et propose une ellipse de seize ans ?
Julie Delille, qui s’était emparée de cette pièce l’été dernier, avait joué de cette pléthore de lieux, de temps et de personnages : les tableaux, imposants, occupaient l’ensemble de la scène du Théâtre du Peuple, quand les costumes faisaient revivre toute une iconographie oubliée. Rien de tout cela pour Agathe Mazouin et Guillaume Morel, qui tentent de concentrer sur le petit plateau de la salle Mehmet Ulusoy la pièce de cour et la pastorale qu’Un conte d’hiver est tour à tour.
La relation entre les deux parties de la pièce repose dans cette mise en scène sur un long meuble en bois, qui figure d’abord la table d’un banquet avant de se transformer en étable, puis en podium de boîte de nuit. Entre-temps, Leontes a provoqué, par sa jalousie, la mort de son épouse Hermione. Ce lourd objet de bois évoque alors, dans le regard du spectateur, un épais cercueil.
La lumière et les costumes complètent ce travail d’échos et d’oppositions entre Sicile et Bohême : alors que le milieu de la pièce est plongé dans une épaisse obscurité, les néons roses, puis jaunes, modifient l’atmosphère du spectacle. Quant aux vêtements des personnages, ils ancrent les moments siciliens dans le monde contemporain et les passages bohémiens dans l’esthétique de la pastorale.
Il manque pourtant quelque chose à cette proposition. Certes, la traduction Koltès et le jeu des acteurs et actrices rendent justice à l’humour de Shakespeare. Toutefois, la cohabitation du comique et du sérieux reste superficielle, réduite à ces éléments de costume et de décor : si le public rit aux bons mots, il n’est pas touché par la dimension tragique de la pièce, traitée avec trop de désinvolture. C’est dommage, car c’est précisément le mélange des genres qui fait l’intérêt de la pièce.
Le Conte d’hiver, de William Shakespeare. Mise en scène d’Agathe Mazouin et Guillaume Morel. Au Théâtre Gérard Philipe jusqu’au 25 mai.
Visuel : © Christophe Raynaud De Lage