Les performeuses Teresa Vittucci et Alina Arshi offrent en ouverture du festival « excentriques 2024 » de la Briqueterie, le CDCN du Val-de-Marne. Un pas de deux aussi cabaret que pop, un délice foutraque à souhait.
Les noms de ces deux artistes ne vous sont sans doute pas inconnus si vous aimez la performance. Alina Arshi a été la révélation des derniers « Inaccoutumées », le festival de la Ménagerie de Verre.
Nous avions découvert son corps souple et sa façon très singulière de s’avaler elle-même. Teresa Vittucci avait, elle, été la révélation du festival « Faits d’hiver » en 2020 avec All eyes on. À ce moment-là, elle jouait en direct et sans filtre sur Chatroulette. Toutes deux maîtrisent le trash, le choc et le second degré, et s’inscrivent dans la lignée de la performance d’art concret, du célèbre body art des années 70. Leur corps est un acte.
Tout commence doucement, on se croirait projeté dans le décor de Stranger Things. Nous sommes dans un enfer pop et les damnés sont hyper cool. Alina est au sol, elle dissocie son buste du bas du corps dans une torsion lente et profonde. Dans une pénombre verte, le mouvement est presque discret. Il faudra convoquer les chevaux de l’apocalypse version glamour en Camargue pour que Teresa fasse son entrée diabolique et que, enfin, la rencontre puisse se faire.
Toutes deux sont des réincarnations plus porn et plus féministes de Paris Hilton. Elles sont à demi nues. Elles portent des perruques blondes, des crop tops, des petits sacs, un bleu et un rose, très Y2K, des chaussettes de sport hautes et des Crocs beiges. Elles affichent fièrement leur sexe, écartent volontiers les jambes pour bien s’asseoir. On commence à rire sévèrement.
La pièce évolue en une parodie de nos constructions médiatiques. Entre Netflix, les Kardashian et toute la télé-réalité réunie en elles. Elles s’amusent à jouer les blondes écervelées comme dans les pires blagues misogynes. Mais à force de se frotter et de vivre seules, sans haut ni nourriture, elles laissent aller leur désir en disant : « I’m gay, it doesn’t matter ».
Et c’est bien cela que ce Sane Satan parvient à faire : il déconstruit. Teresa est ronde, Alina est racisée, elles affirment être lesbiennes. Nous l’avons déjà écrit, leurs corps sont des actes, mais cela va plus loin : leurs existences sont des actes. La pièce est brillante car elle prend le contre-pied des formats de lutte classique en se vautrant joyeusement dans une esthétique de série B à hurler de rire. Les dialogues, complètement décalés, sont en anglais et rappellent les films d’aventure des années 90 et 2000, quelque part entre les sœurs Halliwell et X-Files. Si ces filles sont des sorcières, elles sont très drôles et ne font pas (trop) peur.
Le festival « Les Excentriques » se déroule jusqu’au 5 octobre. Vous pourrez y voir Pol Pi, Dalila Belaza ou encore Simon Le Borgne.
Pour s’y rendre : ligne 7, arrêt Porte de Choisy + tramway T9, arrêt Briqueterie.
Visuel : ©Benjamin Egger