Le compositeur français Louis Beydts a écrit une bonne centaine de mélodies et chansons, pertinentes ou impertinentes et très bien tournées, que le CD sorti en mars 2024 chez Aparté, nous permet de découvrir.
Le ténor Cyrille Dubois prête sa voix et son talent de conteur à l’interprétation de 36 d’entre elles, accompagné du pianiste Tristan Raës, et l’enregistrement qui en résulte est un véritable délice dont on savoure chaque bouchée avec gourmandise.
Quasi-inconnu y compris du public mélomane, le compositeur français Louis Beydts est surtout l’auteur de comédies musicales et de musique de film. Il a notamment écrit pour Sacha Guitry, Claude Autant-Lara, Yves Allégret, Jean Delannoy. On découvre donc la richesse de sa composition musicale avec plus d’une centaine de chansons et mélodies françaises. Le CD nous propose quelques-uns des cycles de ces très belles réalisations, dans une interprétation particulièrement soignée.
C’est sous ce titre qui en souligne le contraste, que Louis Beydts compose ces sept chansons sur des textes du poète Paul Jean Toulet, lyriques et romantiques, dont l’élégance et le raffinement sont mis en valeur par le travail des deux artistes. Ils évoquent la nature, l’amour, la vie ordinaire, les rêves, toutes sortes de thèmes que Cyrille Dubois aborde d’une voix caressante et extrêmement séduisante, glissant couleurs, nuances et accents avec la délicatesse d’un orfèvre sans jamais forcer, mais en soulignant les contrastes et en jouant habilement sur la nostalgie qui émane des textes.
Le piano de Tristan Raës s’enroule autour de la voix, la soutenant sans jamais s’y substituer et dialoguant sans cesse.
Il y a de la tendresse, de la tristesse, de la mélancolie dans ces chansons, qui se terminent par deux magnifiques évocations du « temps irrévocable qui fuit » et de la mort de la bien-aimée, « Puisque tes jours ne t’ont laissé qu’un peu de cendre dans la bouche ».
Les six ballades françaises sur des textes de Paul Fort qui suivent comportent davantage de jeux humoristiques sur les syllabes (« Il en a chu, il en a chu »), pour les deux premières compositions, Le marchand de sable et les petits veaux d’Haizettes.
La précision de la diction de Cyrille Dubois permet de profiter totalement de l’intelligence et de la poésie qui se dégagent des chansons suivantes pour lesquelles la mise en musique de Louis Beydts se complexifie évoquant très nettement ses contemporains Reynaldo Hahn ou André Messager. Ainsi en est-il du magnifique et faussement langoureux « regard éternel » ou de la dynamique « corde » qui suit.
Tandis que le piano de Tristan Raes arpège élégamment façon jets d’eau dans la rafraichissante « rencontre à la fontaine », c’est au tour de Cyrille Dubois de nous conduire dans cette petite ronde un peu fofolle « si le Bon Dieu l’avait voulu » et nous le suivons en souriant devant autant de dynamisme.
Le recueil suivant s’intitule « le cœur inutile ». Les paroles de ces six chansons sont du poète Robert Honnert et l’ensemble comprend sa part de mélancolie triste qui s’étire au travers des pianissimi parfaitement maitrisés et d’une élégance rare de Cyrille Dubois.
La nature est à l’honneur dans les quatre « odelettes » sur des paroles (délicatement sculptées) de Henri François Joseph de Régnier, les thèmes de la fontaine, du jardin, de la route aussi sont évoqués et encore une fois, le talent de nos deux artistes met magnifiquement en valeur la beauté de ce qui est bien plus que de simples chansonnettes. Changement de tonalité, rythme qui évolue, saut de notes, diminuendo ou crescendo réguliers, rien n’est simple malgré l’apparence dans la composition de Louis Beydts.
Les « cinq humoresques » qui suivent sont composées sur des textes du poète et musicien Tristan Klingsor (de son nom de plume).
Et l’on a la très agréable surprise de découvrir le célèbre « Pont Mirabeau » d’Appolinaire, mis en musique de manière assez radicalement différente de la version que nous connaissons généralement, celle beaucoup plus tardive de Léo Ferré (1953).
Et les « chansons pour les oiseaux », à nouveau sur des textes poignants ou très joyeux de Paul Fort, parmi lesquelles on retiendra tout particulièrement l’interprétation émouvante de Cyrille Dubois et Tristan Raës pour la « Colombe poignardée » et l’humour sautillant du « petit serin en cage », avec ses paroles inspirées de toutes les comptines enfantines qui termine si bien ce magnifique enregistrement.
On ne peut qu’espérer un volume deux !
Louis Beydts (1895-1946) : D’ombres et de soleil ; 6 ballades françaises ; Le cœur inutile ; 4 odelettes ; 5 humoresques ; Le pont Mirabeau ; La fontaine de pitié ; Le sylphe ; Chansons pour les oiseaux. Cyrille Dubois, ténor ; Tristan Raës, piano.