Chantal Akerman, son « jeu de l’art » au Jeu de Paume

Face à Jeanne 

On ne la présente plus, elle est devenue un sujet récurrent du monde de l’art. On pense à la performance We do not comfortably contemplate the sexuality of our mothers, de Bianchi et Mendonça présenté au Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles en mai 2024, ou la rétrospective sur son œuvre au cinéma le Reflet Médicis qui a lieu depuis le 23 septembre 2024.

Presque 10 ans après son décès soudain, une exposition immersive lui est consacrée par le Jeu de Paume, en collaboration avec la Fondation Chantal Akerman et le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles (Bozar). Plus qu’une simple rétrospective, c’est une consécration à la créativité de l’artiste qui nous est proposée.

À travers le format de l’exposition, du cinéma et de l’installation, on redécouvre toutes les facettes de sa créativité. Construite en plusieurs étapes, l’expérience débute par deux installations de l’artiste : la première, des téléviseurs se faisant face, chacun diffusant des séquences du film Jeanne Dielman. On y voit Delphine Seyrig assise devant sa table, changeant légèrement d’expression sur chaque écran. Disposée en arc de cercle, l’installation a été conçue pour la 49ᵉ Biennale d’art contemporain de Venise (2001), dirigée par Harald Szeemann.

Immersion dans l’Est 

La prochaine installation se trouve dans une pièce sombre, où des rangées de téléviseurs sont placées devant nous, chacun diffusant des extraits du documentaire D’Est (1992-1993). Ce documentaire a plus récemment fait l’objet d’un ciné-concert « D’Est en musique »  par Sonia Wieder-Atherton à la Philharmonie de Paris.

Ce film documentaire est un grand voyage à travers la Russie, la Pologne, la Hongrie, la Tchécoslovaquie et l’ex-Allemagne de l’Est, après la chute du mur de Berlin. Chantal Akerman souhaitait capturer le contrecoup de cette « libération » soudaine : comment cet événement majeur de l’histoire était vécu, d’un point de vue social, par les habitants.

Les téléviseurs diffusent en boucle des fragments de scènes, un décor saisissant, de l’hiver bleu aux nuits froides et dorées des lumières de la ville. Cette installation peint une fresque de visages, de lieux publics et de sons dans des régions en plein bouleversement politique.

De la plume à l’écran

La dernière salle de l’exposition retrace la vie de Chantal Akerman à travers ses œuvres. Aux murs, des pages de scénario et des notes manuscrites, car comme elle l’a dit elle-même : « Si je n’avais pas fait du cinéma, j’aurais été écrivaine. » Au centre, une table est disposée avec toutes les archives et dossiers de presse de ses différents films. Un extrait de son premier film, Sautez la ville, est projeté ; il s’agit d’un court-métrage qu’elle a réalisé à 18 ans.

Cette salle, qui comporte une importante quantité de documents rédigés par l’artiste, accompagnés de ses annotations manuscrites et des négatifs de photos, également annotés, rend compte d’un processus artistique propre à elle. Multimédias, Chantal Akerman a révolutionné le cinéma international à travers des œuvres d’une beauté brutale et d’une vérité politique cynique.