Jusqu’au 7 octobre, au Théâtre de la Bastille, Raphaëlle Rousseau devient son idole, la vraiment culte Delphine Seyrig (DS pour les intimes), à l’occasion d’une conversation-spectacle. À moins que ce ne soit l’inverse.
Delphine Seyrig est une icône. C’est la fée anti-inceste de Peau d’âne ; c’est A, la femme brune dans L’Année dernière à Marienbad d’Alain Resnais ; c’est Fabienne Tabard dans Baisers volés de François Truffaut… Mais pour Raphaëlle Rousseau, c’est un peu plus que ça, c’est une adoration. La comédienne en déshérence voue un culte, un vrai culte à l’actrice morte à 58 ans, le 15 octobre 1990. Concrètement, elle lui parle, elle allume des bougies, elle pose au sol des photos tirées de ses plus grands rôles, de sa tombe et de ses manifs pour l’avortement. Elle lui parle, oui, sur un répondeur imaginaire. Et c’est plus ou moins par là que ça démarre. Non, parce qu’en vrai, comme dans toutes les pièces que nous voyons depuis la rentrée, nous devons commencer par lire, ensemble, dans un souffle collectif, les mots qui s’affichent au fur et à mesure devenant nous, qui nous « détendent ».
Sans déflorer le point-clé de la pièce, disons que Raphaëlle Rousseau nous fait concrètement rencontrer son idole. Elle porte sa voix, ses intonations restées figées trop tôt dans le XXe siècle flamboyant, elle porte surtout ses réflexions sur le métier d’actrice. Ce faisant, Raphaëlle Rousseau, géniale caméléon, fait résonner les luttes féministes des années 1970 et celles d’aujourd’hui. Vous saviez, vous, que Delphine Seyrig avait refusé de jouer dans La Piscine car elle n’avait pas envie de traverser la France pour se mettre en maillot de bain devant Alain Delon ? Au fil de cette pièce fantastique (à tous les sens du terme), nous en apprenons des tonnes sur la femme Seyrig. Le travail d’archive est phénoménal. On imagine que pour construire son spectacle, qui tire un fil parfait allant de la comédie à la tragédie, dans une montée de tension impeccable, la comédienne a dû écouter toutes les prises de parole de son idole pour pouvoir y répondre et converser avec elle d’une façon très particulière.