Film de traque de tortionnaire, ce long-métrage montre des situations que l’on voit rarement à l’écran, en s’attachant à des syriens exilés. Le contexte qu’il donne à voir captive.
Strasbourg, 2014. La guerre fait rage en Syrie entre rebelles et dictature de Bachar el-Assad. Un jeune homme exilé, endeuillé, seul en fin de compte, cherche un ancien tortionnaire d’à peu près son âge, qui le tortura. Et n’eut pas que lui comme victime. Ce jeune syrien fait partie d’un réseau communiquant par Internet, qui traque ces coupables dans les pays d’Europe, pour les emmener en procès ou les supprimer, quand ils redoutent que rien ne soit possible en justice. Or celui sur la piste duquel ils sont paraît se trouver à Strasbourg, où il mène une existence d’étudiant sans histoire.
Rassemblement d’exilés syriens victimes de la guerre sanglante du début des années 2010, pleurant leurs morts ensemble, échanges vocaux via Internet devant mener à dénicher les criminels ayant opéré lors de ce conflit, ou dialogues via le web du héros avec sa mère, se trouvant dans un camp de réfugiés du Liban : on se rend compte, à la vision des Fantômes, que celles et ceux qui subirent ce conflit et durent partir n’ont pas eu tant de présence que ça sur les écrans de cinéma français. On se dit aussi, au passage, que ce qui advient chez une population après les souffrances d’un conflit armé n’est pas fréquemment montré aussi directement, autant dans l’immédiateté de l’après, au sein des films traitant de la guerre. Quoi qu’il en soit, les partis-pris de mise en scène choisis par le nouveau venu Jonathan Millet – qui montre son premier long, à Cannes 2024, en Ouverture de la Semaine de la Critique – donnent à ces séquences montrant ce réel une teinte très juste. Tout paraît inscrit dans la retenue, au sein des Fantômes : de ce fait, nulle emphase ne s’invite, dans ces scènes.
Les séquences au cours desquelles le protagoniste central tente de découvrir si celui qu’il surveille est bien celui qu’il pense peuvent moins séduire. On peut juger qu’elles auraient mérité d’être plus courtes, au vu de la forme adopté par le film. Musique anxiogène composée par Yuksek, chuchotements, retenue et maîtrise : ces ingrédients amènent le film à toucher des choses humainement très justes, dans le récit qu’il trace. Telle cette scène où Adam Bessa, l’acteur central, aux yeux hantés (déjà vus dans Harka), se trouve comme étouffé par le monde qui l’entoure, dans une bibliothèque. Lorsqu’ils sont employés pour montrer des situations de quasi espionnage, ces motifs peuvent finir par lasser un tout petit peu. En même temps, la mission du héros est menée vraiment à l’échelle de lui-même, avec zéro moyens high-tech. Au final, cependant, le long-métrage avance vers un point satisfaisant. La dernière partie ne faillit pas, côté récit. Et l’on quitte ces protagonistes – avec certains qui n’auront été que des voix – avec un sentiment de profondeur. Le film amène réellement à côtoyer des êtres devenus des fantômes, en plein dans un exil presque sans fin.
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Les Fantômes sortira dans les salles de cinéma françaises le 3 juillet, distribué par Memento Distribution.
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Visuel : affiche des Fantômes