Distinguer les artistes qui nous ont ébloui.e.s ou fait frémir est toujours un exercice difficile. En sélectionner trop peu, ce serait nous frustrer ; en sélectionner trop, ce serait amoindrir leurs qualités respectives. Finalement, des artistes désormais bien installés aux talentueux espoirs, nous sommes tombés d’accord sur 24 chanteuses et chanteurs ! Après tout, avec 12 mois dans l’année, cela n’en fait finalement que deux par mois… Et nous avons repéré à quel endroit en Europe nous espérons les retrouver en 2025.
Par Hélène Adam et Paul Fourier
La mezzo-soprano Russe continue à tracer son incroyable chemin. Et malgré le grand écart, elle nous a éblouis aussi bien dans Carmen à Londres que dans Maria Stuarda (lire ici) à Madrid. Ce n’est rien de dire que l’on attend avec impatience sa prise de rôle en Adalgise au Theater an der Wien.
À chaque fois qu’on l’entend, c’est du bonheur, mais lorsque le meilleur baryton-basse bouffe rossinien actuel met son talent au service de la redécouverte d’un petit bijou comme L’equivoco stravagante à Pesaro, on en reste admiratif.
En octobre, on la remarquait dans la Manon de Massenet, en novembre, on l’admirait à nouveau (et très bien accompagnée par Stefano La Colla et Valentina Boi) dans l’audacieux Edgar monté par l’Opéra de Nice à l’occasion du centenaire Puccini. On en redemande !
Entendre « la nouvelle » Bartoli pour la première fois, c’est assurément avoir un choc ! Et lorsqu’elle ose affronter Abigaille et Lady Macbeth chez Verdi et Ermione chez Rossini, on se dit que nous avons désormais une voix qui manquait dans le paysage musical. Elle réapparaît bientôt dans Il trittico à Trieste, dans Un ballo in maschera à Bologne et dans Attila à Venise. Nous n’avons pas fini d’essaimer les théâtres italiens…
Côté soprano belcantiste léger et virtuose, on était plutôt en manque. Après son éblouissante Sonnambula niçoise, nous l’avons retrouvée cette année dans un répertoire rossinien (avec Le comte Ory et Il turco in Italia) dans lequel on espère qu’elle va continuer à s’épanouir. Changement de répertoire à venir avec Zerbinette à Vienne fin janvier…
Avec Ambur Braid on rejoint plutôt les voix larges des répertoires « spinto », ces timbres qui doivent « passer » les gros orchestres y compris dans les aigus tout en possédant des graves puissants sans manquer pour autant d’agilité vocale. La soprano canadienne nous a éblouis dans Salomé et La Juive à Francfort, et dans les redoutables rôles de la « teinturière » (Die Frau Ohne Schatten) et de Marie (Wozzeck) à l’Opéra de Lyon. On la retrouvera en Madame Lidoine (Dialogue des Carmélites) à Valence en Espagne dès janvier 2025.
La soprano australienne continue à tracer son chemin et avec quel talent ! Elle était, cette année, la Amelia du Simon Boccanegra parisien. Elle sera bientôt celle du Ballo in maschera munichois et prendra la relève d’Asmik Grigorian dans Don Carlo à Vienne.
L’année 2024 a vu confirmer son évolution vocale dans plusieurs rôles importants où il s’est aussitôt affirmé avec sa propre personnalité, comme les rôles-titres d’Eugène Onéguine (Toulouse) et de Wozzeck (Lyon) et celui de Guercoeur (Strasbourg) opéra ressuscité d’entre les morts. Il a également approfondi l’art du Lied en interprétant les cycles de Schubert. En 2025, il donne beaucoup de rendez-vous à son public dans de multiples récitals et se produira à Londres en février dans le tout nouveau Festen, opéra tiré du film du danois Thomas Vinterberg (1998). Cette création mondiale de Mark-Anthony Turnage est l’un des événements très attendu de la nouvelle saison du Royal Ballet and Opera (ex-ROH).
Le baryton canadien continue à élargir son répertoire et à marquer les rôles dans lesquels il apparaît. Cette année, les Parisiens ont été chanceux de l’entendre à nouveau dans Simon Boccanegra et dans Don Quichotte et il est l’un de ceux qui a fait briller en Posa, le Don Carlo de Verdi dans la mise en scène labyrinthique de Kirill Serebrennikov à Vienne (rôle qu’il avait déjà brillamment incarné à Paris Bastille il y a quelques années et dans lequel on le retrouvera en mars à nouveau à Vienne).
Avec Jonathan Tetelman (entre autres), il est promis à assurer la relève dans les rôles de ténor spinto. Et ce ne sont pas ses excellentes prestations dans Un ballo in maschera puis Adriana Lecouvreur à Barcelone qui nous auront détrompés. Il sera du prochain Norma au Theater an der Wien…
L’artiste qui, par ses prises de rôles, a décidé de nous surprendre à chaque fois aura, entre autres, été successivement Turandot à Vienne puis Lisa dans La Dame de Pique à Munich avant d’être une exceptionnelle Élisabeth de Valois à Vienne. Elle sera la troisième protagoniste de la Norma viennoise et Paris la retrouvera dans les trois volets de Il trittico en mai.
Ce devait être Elza van den Heever (que l’on adore) dans La vestale à Paris. Et on a eu Élodie Hache. Incontestablement une artiste qui n’est pas distribuée dans les théâtres français à sa juste valeur. Mais que font les directeurs et les agents ?
On pourrait encenser son idéale Butterfly ou sa très belle Liu, mais c’est par son récital puccinien superlatif à l’Opéra de Nice qu’elle nous a fait monter dans les cintres. Elle retrouvera le belcanto en mars, à Hambourg, avec Maria Stuarda.
Le ténor rossinien léger est une espèce rare et on en a trouvé un qui aligne les contre-notes comme des perles. Il n’est pas passé inaperçu dans les deux Iphigénie(s) au festival d’Aix-en-Provence et nous a fait une récente démonstration de sa virtuosité en décembre à Lyon dans Il turco in Italia. On le retrouvera forcément dans le rôle d’Idreno dans Semiramide à l’Opéra de Rouen et au théâtre des Champs-Élysées.
Elle ne nous a pas convaincus dans sa dernière représentation d’Adriana Lecouvreur à Barcelone mais sa Fedora genevoise n’a été que du bonheur. Elle s’attaque à Aïda aux Arènes de Vérone le 27 juillet…
La soprano colorature russe poursuit tranquillement une carrière remarquée par les afficionados de la virtuosité dans l’opéra baroque. Elle nous a, à nouveau, enchantés successivement dans le rare Polifemo de Porpora à l’Opéra de Versailles, dans le récital des Diapasons d’or à Paris où elle a été la voix la plus remarquée dans l’étourdissant « Serpentes ignei in deserto », cette œuvre de Johann Adolf Hasse que le label Erato vient d’enregistrer avec une distribution de grande qualité. Les parisiens pourront la retrouver prochainement dans le Stabat Mater de Pergolèse, salle Gaveau.
Elle fut la révélation du Tancredi rouennais dans la mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau. Elle vient malheureusement de déclarer forfait pour Elvira des Puritani au festival d’Erl (Tyrol), mais elle sera en récital à Marseille le 23 février.
Gros bosseur, voix de rêve, excellent comédien et physique de beau gosse. À chaque fois que l’on retrouve Mattia Olivieri, c’est pour qu’il nous en mette plein la vue et les oreilles. La dernière fois, c’était dans Manon à Vienne et son Lescaut s’est hissé sans peine au niveau de Grigolo et de Mkhitaryan. On le retrouve dans Le barbier de Séville en juin à Paris.
Osborn, c’est toujours la classe ! Particulièrement dans le français et forcément aussi dans le bel canto dramatique. C’est sans hésiter que nous sommes allés entendre son Eléazar dans La Juive (Halevy) à l’Opéra de Francfort. Il a ensuite été un Roberto Devereux d’exception au festival Donizetti de Bergamo (où il a bissé son air). On le retrouve dans Guillaume Tell en mars à Liège et dans Hamlet à Turin en mai (et aux côtés de Sara Blanch). On y court !
Le ténor Samoan poursuit son ascension vers les sommets. Ténor lyrique par excellence, outre un magnifique album sorti il y a quelques mois, il s’est distingué en Faust dans la belle mise en scène de Tobias Kratzer à l’Opéra Bastille après s’être fait remarquer en Orombello dans Beatrice di Tenda. On le retrouvera en Rodolfo de La Bohème à Munich et en Werther, une prise de rôle audacieuse, à Genève puis à Strasbourg en version concertante.
2024 aurait-elle été l’année Pirozzi ? On a retrouvé l’une des très rares sopranos dramatiques actuelles sur la plupart des grands scènes européennes, et notamment à Paris. Après Turandot, elle a été Adriana Lecouvreur et une sublime Magdalena di Coigny au Théâtre des Champs-Élysées. Elle a aussi été une superbe Amelia du Ballo in maschera à Barcelone et nous a offert, en récital, un tour d’horizon de l’opéra italien au festival de Peralada. On la retrouve bientôt dans Aïda à Londres, dans La fanciulla del west à Hambourg et dans La forza del destino à Orange et pour le festival d’Aix-en-Provence.
C’est toujours un plaisir de retrouver une soprano aussi originale et sortant systématiquement des sentiers battus pour s’imposer dans des rôles hors norme (lire son interview ici). Cette année 2024, elle a été une Emilia Marty fascinante dans L’Affaire Makropoulos à Lyon avant de s’imposer en Judith dans Le château de Barbe Bleue à la Philharmonie de Paris. On la retrouvera en Polina dans Le Joueur de Prokofiev à Stuttgart puis dans le rôle de la Teinturière (Die Frau Ohne Schatten) à Amsterdam.
Le ténor américain est aussi de ces artistes qui aiment surprendre et sortir de sa zone de confort pour explorer des domaines très variés du répertoire lyrique. Il a ainsi conquis sa place dans le répertoire wagnérien en incarnant, successivement et avec succès, Lohengrin à Strasbourg en mars puis Siegmund cet été au festival de Bayreuth (on le retrouvera dans ce rôle wagnérien l’été prochain). Il a également sorti un album éclectique et passionnant, « In the shadows », sorte de parcours lyriques des compositeurs pré-wagnériens. Et en avril, il nous avait offert un florilège de son talent dans un récital au Sainte-Chapelle Opera Festival. Dès janvier il se lance dans un nouveau rôle, celui de Bacchus dans Ariadne auf Naxos, son premier Richard Strauss.
Promu dès ses récents débuts sur les scènes internationales, comme un nouveau « ténor spinto » de charme, Jonathan Tetelman ne laisse pas indifférents ceux et celles qui le découvrent sur scène, notamment en Werther à Baden Baden, ou en Macduff à Salzbourg, puis à Munich. Forte personnalité, il donne une interprétation puissante et charismatique de ses personnages. Il vient également de sortir un deuxième album, en hommage à Puccini à l’occasion du centenaire de la mort de l’un des plus grands compositeurs d’opéras. On le retrouvera en 2025, dans de nouvelles prises de rôles, notamment le très attendu Don Carlo à Berlin.
La mezzo-soprano a beaucoup brillé sur toutes les scènes ces derniers mois, de la Sainte-Chapelle à la Conciergerie voisine dans l’un des numéros les plus remarqués de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, cet été, dans la mise en scène de Thomas Jolly. Après le répertoire baroque (par exemple dans une Olympiade vitaminé, ou pour un récital Haendel) et Kurt Weill (en très bonne compagnie), on la retrouvera à Paris, encore au Théâtre des Champs-Élysées en Charlotte dans Werther.
On se languissait de retrouver la soprano dramatique américaine en France. C’était difficile à croire mais c’est avec panache qu’elle nous a prouvé que Beatrice di Tenda est compatible avec Adrienne Lecouvreur, Turandot et Brünnhilde. Tamara, reviens vite !
Visuel : Tamara Wilson, Facebook © Claire McAdams