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Soirée cabaret de grand luxe avec Marina Viotti, Judith Chemla et « Les Sept Péchés Capitaux » de Kurt Weill et autres pépites…

par Helene Adam
11.01.2024

Le Théâtre des Champs-Élysées nous proposait une soirée originale et réussie autour de l’œuvre de Kurt Weil, Die sieben Todsünden (Les Sept Péchés capitaux), créée in situ en 1933 et qui a gardé intacte la verve critique des textes de Bertolt Brecht. En première partie un choix varié d’œuvres de différentes époques complétait un spectacle ensorcelant et servi par les talents de Judith Chemla et de Marina Viotti.

Un spectacle complet façon cabaret

 

Créé le 7 juin 1933 au Théâtre des Champs-Élysées, Les Sept Péchés capitaux est, en principe, un « ballet chanté » pour cinq voix – une soprano et quatre voix masculines, deux ténors, un baryton, une basse. En concevant un spectacle complet dans l’ambiance cabaret chère à Kurt Weill, la production commune à Paris et à Genève, réussit à captiver le spectateur avec un élégant damier de petites miniatures comprenant des chansons de Weill, des textes poétiques de Ash Erdoğan et de courts morceaux instrumentaux de Ives, Copland et Howard. Ce patchwork savamment assemblé donnait une très intéressante vision artistique composée d’allers et retours entre le début du siècle précédent et celui-ci autour du thème de la décadence, de la corruption, du sort fait aux femmes dans une société capitaliste et patriarcale. Ainsi, seront abordés, alternativement, différents aspects de la vie dans les villes et régions américaines, les affres des amours déçues, et la violence des relations entre les hommes et les femmes. La première partie s’intitule d’ailleurs « Anna », du nom de l’héroïne double de la deuxième partie.

 

 

Youkali et autres petites merveilles

 

Judith Chemla, actrice de théâtre et de cinéma, autrice de quelques pièces et chanteuse à l’occasion, qui commence la soirée avec l’émouvant « Youkali » de Kurt Weill. Chanson tirée de la pièce de Jacques Deval, Marie-Galante, qu’il mit en musique en 1934, alors qu’il venait de fuir l’Allemagne nazie et s’était réfugié (provisoirement) à Paris avant que la France ne soit à son tour submergée par la vague d’antisémitisme. « Youkali, c’est le pays de nos désirs » sonne alors comme l’adieu déchirant des exilés, émigrés des années trente, sorte de tango triste et mélancolique. Judith Chemla, alors installée au milieu de l’orchestre de chambre de Genève, nous en donne une interprétation délicate, d’une voix menue, mais parfaitement adaptée au style de la chanson, et, encore derrière un rideau très fin, moiré et à dominantes sombres, rend compte de ces atmosphères tout à la fois feutrées, rêveuses et gouailleuses des soirées cabaret d’un Berlin abandonné, qui a chassé ses meilleurs artistes. Et nous la retrouverons à nouveau avec Weill, dans le paradoxal « Je ne t’aime pas » qu’elle prononce avec son talent de comédienne pour conclure avec le nostalgique « Non, tais-toi plutôt… Je suis à genoux/Le feu s’est éteint, la porte est fermée /Ne demande rien, je pleure… C’est tout/Je ne t’aime pas, ô mon bien-aimé ».

 

Le premier morceau purement orchestral, « Hymn for strings » (Hymne pour cordes), nous rappelle que le compositeur américain Charles Ives, bercé dans sa jeunesse par la fanfare de son père, était fasciné par les musiques extérieures un peu tonitruantes. Autant dire que, malgré son titre, l’hymne en question fait la part belle aux cuivres et donne des allures plus jazzy à la scène, toujours en clairs-obscurs, mais sans son voilage. L’orchestre de chambre de Genève nous donnera également le deuxième mouvement de son Three Places in New England, l’allegro intitulé « Putnam’s Camp, Redding, Connecticut », une belle œuvre composée de thèmes juxtaposés, au rythme rapide, et qui évoque les airs populaires comme la ferveur patriotique du lieu de la Nouvelle-Angleterre choisi dans un style moderne où l’orchestre est parfaitement à son aise et nous donne du très beau son. D’Aaron Copland, nous aurons l’intéressant et trépidant cinquième mouvement, « Threshing Machines », de sa Music for movies, composée en 1943 et dédiée à Darius Milhaud.

 

Une version purement orchestrale de la chanson « Hello My Baby » des compositeurs Joseph E. Howard et d’Ida Emerson, créée en 1899, met en scène (avec des paroles aujourd’hui problématiques) les relations amoureuses d’un homme avec une femme qu’il ne côtoie que par téléphone (Hello pour allo…).

 

Hommage à Aslı Erdoğan

 

Enfin, et c’est sans doute pour beaucoup de spectateurs une découverte, le programme de cette première partie offre une belle part à la romancière turque Aslı Erdoğan qui passa quelques mois en prison dans son propre pays du fait de ses activités militantes en faveur des droits de l’Homme et de sa dénonciation constante de l’oppression des femmes. Sous le coup d’une inculpation pour terrorisme à la suite de ses critiques de la politique dictatoriale du gouvernement turc, elle n’a dû son salut et sa liberté qu’à la solidarité internationale dont elle a bénéficié, et qui lui a permis de s’exiler en Allemagne. Elle était présente aux saluts et a été très applaudie. L’excellente Judith Chemla a lu plusieurs très pertinents (et impertinents) extraits de ses Requiem pour une ville perdue, Le silence même n’est plus à toi et Le Mandarin Miraculeux, des textes traduits du turc par Julien Lapeyre de Cabane.

Féministe engagée, Ash Erdoğan y dénonce inlassablement cette société dominée par les hommes et faite pour eux.

 

 

Marina Viotti ne fait qu’une seule apparition dans cette première partie, en interprétant avec fougue et force, le « Zion’s Walls » du compositeur américain Aaron Copland du recueil Old American Songs II, composé en 1952. La voix puissante, ronde, chaleureuse, confirme le talent et la présence scénique incomparable de la mezzo- soprano.

Soulignons, outre l’excellence de leurs prononciations, que les deux artistes sont aussi à l’aise en français qu’en anglais et en… allemand comme la suite le prouvera.

 

Et Les Sept péchés capitaux

 

La deuxième partie accentue encore la mise en espace imaginée par Laurent Delvert, collaborateur artistique de la tournée. Une estrade en contrebas de la scène permet des mouvements plus importants des six artistes qui vont jouer, façon sketches, les petites saynètes du Prologue, des sept péchés et de l’Épilogue donnant relief et vie à l’ensemble, malgré la suppression du ballet en principe dansé par l’une des deux Anna.

 

Les deux sœurs, qui ne font qu’une dans l’univers créé par Brecht et Weil, sont donc interprétées par Judith Chemla et Marina Viotti, qui alternent leurs interventions, la première assurant l’essentiel des mouvements (y compris des esquisses de danse) et la deuxième chantant de son timbre corsé la partie musicale. Le duo formé par les deux artistes est envoûtant et rend bien compte de ce contraste entre les deux « sœurs », celle qui ose tout et celle qui tente de la retenir pour la ramener sur le droit chemin.

 

 

 

D’étape en étape, de ville en ville, d’année en année, leur périple se déroule, tandis qu’en contrepoint les quatre garçons, représentant la famille restée « dans la Louisiane natale », apparaissent généralement ensemble, en fond de scène puis au fronton, alignés ou en mouvement au pas cadencé, dans une chorégraphie très réussie pour ce traitement hautement parodique de la famille. Côté chant leurs ensembles sont parfaitement bien cadencés et leurs voix énergiques et puissantes. On distinguera la belle voix de basse de Jerôme Varnier qui chante la mère des Anna, et le timbre lumineux et claironnant du ténor Yoan Le Lann qui interprète le frère. Mais les deux barytons Alban Legos (le père) et Victor Sicard (l’autre frère) ne sont pas en reste !

 

L’orchestre de chambre de Genève, sous la direction énergique et efficace de Marc Leroy-Catalayud, qui se charge également de la conception musicale de l’ensemble, accompagne cette oeuvre, belle critique acerbe du capitalisme et de la religion, avec une verve splendide qui valorise l’ensemble de la partition très riche de Kurt Weil.

Visuel : © Théâtre des Champs-Élysées