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Tiago Rodrigues : « Je fais totalement confiance à un collectif de 700 personnes qui font le festival d’Avignon »

par Marie Anezin
07.04.2024

Alors que le Festival d’Avignon vient d’annoncer cette semaine la programmation de sa 78e édition et que son directeur, Tiago Rodrigues, fera une création dans la carrière Boulbon avec la troupe de la Comédie-Française, Hécube, pas Hécube, il a répondu à quelques questions.

Dans la programmation de votre deuxième année de direction se trouve une exposition qui se nomme Le sanctuaire des chagrins. Cette édition 2024 sera-t-elle encore une édition de larmes ? Ou de cris ?

Tiago Rodrigues : Ce sera certainement une édition comme doit être une édition du Festival d’Avignon : la fête de la célébration des arts vivants et des rencontres avec le public, qui ne sera jamais aveugle aux injustices et troubles du monde.
Je vous donne un exemple : quand les vingt-et-une femmes ukrainienne, biélorusses et polonaises, que Marta Górnicka emmènera à la Cour d’honneur au cœur du festival et qu’elles chanteront et narreront leurs récits d’exils, de survie, de résilience en situation de, je pense que, d’un côté, ça nous troublera parce que ça parle d’un monde difficile et, d’un autre, cela nous donnera confiance en l’humanité en voyant le courage de ces femmes.

 

Lorsqu’une journaliste me pose cette question, je fais toujours ce parallèle : si le festival d’Avignon ne présentait que des spectacles, disons, « doux et faciles » tout le temps, ne serait-il pas identique à une radio ou un journal qui ne donnerait que des bonnes nouvelles ? Et ainsi festival et média ne feraient pas leur travail.

 

Il peut aussi s’agir de larmes d’émotion, ce sont elles qui ont habité votre première édition.

 

Tiago Rodrigues : Oui, il y a des larmes de chagrin, des larmes de joie, des larmes d’émotion. Notamment, si je pense à une artiste qui a marqué le festival d’Avignon et que celui-ci a marquée également, je veux parler de Caroline Guiela Nguyen, qui est maintenant directrice du Théâtre national de Strasbourg. Bien sûr que nous allons pleurer. Pleurer de tristesse et de joie. Quand le théâtre nous donne cette émotion, c’est que notre vie se transforme un peu.

 

Est-ce que l’édition que vous nous présentez est celle que vous aviez rêvée ou a-t-elle été soumise à des contraintes ?

 

Tiago Rodrigues : Je fais du théâtre depuis vingt-six ans. Et je n’ai jamais réussi à faire ce que j’avais rêvé.
De nombreuses fois, j’ai réussi à faire quelque chose de bien plus intéressant et passionnant que ce que j’avais préalablement rêvé.
Je ne fais pas trop confiance à mes rêves. Par contre, je fais totalement confiance à un collectif de plus de 700 personnes qui font ce festival d’Avignon, auxquelles s’ajoutent 120 000 spectateurs qui achètent des billets, des centaines de milliers d’autres personnes qui participent aux événements que nous leur proposons et surtout plus de 750 artistes, techniciens, équipes invitées… Ce sont tous ces gens qui ont des rêves à partager avec nous. Je ne suis là que pour me mettre au service d’un rêve collectif. Lorsque nous y arrivons, c’est toujours le festival que l’on souhaitait faire.

Photographie :  Marie Anezin