Dans le cadre du Festival d’Automne, la MC93 reçoit le travail du duo anglais Rosana Cade et Ivor MacAskill. Leur second spectacle est une allégorie aussi profonde que drôle sur l’identité trans.
Le mythe de Pinocchio a souvent été l’objet d’adaptations sur les scènes, la plus mémorable étant la version d’Alice Laloy, qui s’intéressait à l’inversion du processus en transformant de « vrais » enfants en « vraies marionnettes ». Le vrai et le faux sont au cœur de cette histoire, qui raconte comment un pantin de bois voulait « être un vrai garçon ». Mais au fait, qu’est-ce que cela veut dire « un vrai garçon » ? C’est exactement à cette question que le duo répond, dans un procédé qui emprunte autant au studio de cinéma qu’à l’univers de l’humour anglais à la Monty Python.
Nous voici dans un cadre tout rouge. Au fond, des costumes sont posés sur des portants : des collerettes, des chapeaux pointus et partout des bouts de bois. Il y a des écrans de différentes tailles et des caméras dissimulées dans des contreforts en carton. Nous découvrons Ivor, affublé d’un horrible, mais assumé, costume tronc d’arbre ponctué de trous. Rosana, de son côté, porte une barbe pastiche : iel est Gepetto, trouvant son trésor.
Ce conte, qui ne parle que de transition de corps et de réparation dysphorique, est le terreau parfait pour raconter l’histoire vraiment vraie du couple que forment, à la ville, Rosana Cade et Ivor MacAskill. Ivor est aujourd’hui un garçon trans, ce qui modifie la nature de leur relation, auparavant lesbienne. Que devient l’autre que l’on aime quand il change d’apparence ? Est-ce si facile à vivre ?
Avec un humour fou, les interprètes surjouent la scène du mensonge, où le « nez » du pantin s’allonge, s’allonge… Les symboliques sexuelles se multiplient dans une forme délicieusement légère.
La pièce utilise le procédé du making-of pour nous faire comprendre qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Les jeux d’échelles en deux plans provoquent des illusions parfaites. Un peu comme lorsque des touristes « tiennent » la tour Eiffel entre leurs doigts, iels peuvent sembler très proches, collé·e·s même, alors que des mètres les séparent.
Comme dans le conte de Carlo Collodi, l’authentique est sans cesse remis en question. Ce faisant – et là, on ne rit plus du tout – les deux artistes condamnent tous les stigmates et stéréotypes venus du monde réactionnaire qui, sans cesse, sans relâche, les assaillent, faisant d’iels le principal problème du monde.
Jusqu’au 30 novembre à la MC93
Visuel : ©Tiu Makkonen