Le Festival Roma Europa, qui, comme son nom l’indique, se tient en ce moment dans la capitale italienne, regarde du côté des attentats de Paris en nous plongeant dans la mythomanie glaçante d’une jeune femme qui rêve d’une autre vie que la sienne. Bien loin du XIe arrondissement, au Teatro Vascello, à quelques jours de la commémoration des dix ans du Bataclan, ce spectacle brillant vous entraîne dans un cercle infernal aux allures de comédie musicale.
C’est l’histoire d’une fille tranquille, qui grandit dans une famille tranquille, une famille même pas toxique. Elle s’appelle Audrey, elle aime les chaussons en moumoute rose, elle a envie d’élargir ses horizons, de s’imaginer un rôle dans ce monde. Rien de grave jusqu’ici.
Sauf que, rapidement, elle s’empare d’Internet, nous sommes entre 2010 et 2015, le premier réseau social est bien en place depuis 2007, et elle va commencer, d’abord de façon inoffensive, à part pour elle-même, à se construire une amitié avec un Jérôme, puis une histoire d’amour avec un Patrice.
Elle ne quitte pas sa chambre, représentée par une petite scène à angles ponctuée d’un rideau à franges. Le cadre se pare de loupiotes LED qui transforment cet espace, au choix, en bureau ou en salle de concert. Claudia Marsicano nous apparaît puissante et attachante, toute de noir vêtue, perfecto orné de pin’s et tee-shirt Iron Maiden.
C’est en réalité un seul en scène augmenté, puisque Jesse Hughes (Gabriele Corredu), le leader du groupe de rock Eagles of Death Metal, est à ses côtés, bretelles et lunettes noires de rigueur.
La pièce prend racine dans une multitude de récits de fausses victimes du Bataclan. Dans la réalité, c’est Life for Paris qui a eu des doutes sur une adhérente de l’association qui, comme Audrey, avait cousu de fil blanc son traumatisme. Très vite, la question du mensonge est déplacée ailleurs.
En devenant une membre très active de la page « Pray for Paris », le personnage aide de véritables victimes de l’attaque terroriste du 13 novembre 2015. Alors, est-ce si grave de tordre la réalité si c’est pour une double bonne cause, aller mieux et aider les autres ?
À partir du 14 novembre, la pièce se resserre sur un temps nous amenant trois mois plus tard, lors du concert qu’a donné le groupe de rock en mémoire des disparu·e·s, au Bataclan, dans un geste de résilience et de réparation qui, a posteriori, nous semble aussi beau que dur.
La performance de Claudia Marsicano est époustouflante. Elle chante à la perfection ses rêves et sa folie, en ballade comme en rock. Elle prend le public, casse à mille reprises le quatrième mur et déborde à bloc de son estrade.
La pièce est troublante d’actualité, les attaques terroristes islamistes n’ont cessé, depuis 2010, de cibler des lieux et des événements culturels, en Tunisie, à Bruxelles, en Israël. À chaque fois, la fête et la liberté sont les ennemies à assassiner.
L’existence même de la pièce, en Italie et en italien, montre comment ce drame a envahi l’Europe, et comment, dix ans après, il reste aussi vivace. Si vivace que l’idée qu’on puisse se faire passer pour une autre en devient insupportable.
La comédienne nous fascine autant qu’elle nous fait peur. Les très bonnes idées de mise en scène, comme l’utilisation d’un détail morbide sur un tee-shirt, font naviguer cet objet aux frontières de l’horreur, c’est-à-dire la stupéfaction face à tant de folie et la peine face aux souvenirs de cette affreuse période de l’histoire parisienne et européenne.
« La diva del Bataclan » racconta la storia di Audrey, una giovane donna che inventa una nuova identità online fino a fingere di essere una vittima degli attentati del Bataclan. In scena, Claudia Marsicano incarna con potenza e fragilità questa figura che cerca disperatamente una vita più grande della sua, accompagnata dal personaggio di Jesse Hughes, leader degli Eagles of Death Metal. Lo spettacolo, tra rock e teatro, esplora il confine tra verità e menzogna, empatia e appropriazione, memoria e spettacolo. A dieci anni dagli attentati di Parigi, questa creazione italiana fa risuonare in tutta Europa la domanda terribile e necessaria, fino a che punto possiamo mentire per esistere?
Le Festival Roma Europa se tient jusqu’au dimanche 16 novembre à Rome.
Visuel ©Manuela-Giusto