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« Finlandia », la nouvelle clôture de l’amour de Pascal Rambert

par Amélie Blaustein-Niddam
07.03.2024

Pascal Rambert n’a qu’une seule obsession : le langage. Une nouvelle fois, il l’éprouve sur l’un de ses plus grands thèmes : l’érosion de l’amour.

« Être bedonnant dans le langage »

Il y a quelques semaines, dans Mon absente Rambert nous invitait à des funérailles. Il y enterrait les règlements de compte de famille, il y a quelques années, c’est l’Europe qu’il pleurait dans Architecture. Mais surtout, inlassablement depuis 2011, il raconte la fin de l’amour dans Clôture de l’amour. La pièce est un tube qui se joue partout et dans toutes les langues. Elle sera d’ailleurs au Théâtre 14 du 23 avril au 4 mai. Finlandia est une autre rupture, elle se passe avant la clôture quand il est encore possible de sauver quelques bribes piochées dans les souvenir du premier jour.

« Laisse-moi dormir/ Laisse-moi parler »

Nous sommes face une chambre, intérieur, nuit. Il est 3h36 du matin. L’image est cinématographique. Le décor est un cadre de bois scandinave entièrement verré. On voit à travers. On les matte. Eux ne nous voient pas. La lumière parfaite d’Yves Godin arrive par touches : les chiffres en bâtons rouges du réveil, le bout incandescent d’une cigarette, le frigo quand il ouvre sa porte. Il c’est Joseph. Il ne peut plus dormir. Il a traversé l’Europe en bagnole pour venir les récupérer, elles. Elles se sont sa femme, Victoria, et sa fille, Nina. Nina dort dans une chambre de l’autre côté du couloir de ce qui est, on le comprend, un hôtel en Finlande où Victoria tourne un blockbuster chinois.

« Non, ça ne va pas »

Le premier mot qu’il prononce, le premier de la pièce, est un ordre, à la violence sèche : «Lève-toi !» C’est le cœur de la nuit, elle obéit, elle émerge et le dialogue, la lutte commence. Il et elle vont se parler, s’insulter, s’aimer, se séparer, douter, se haïr, se désirer et douter encore pendant 1 heure 30 qui résume 10 ans d’amour.

« Je ne suis pas ce monstre que tu décris »

Rambert ne cesse de troubler les rôles. Il a l’air vraiment « nul » et « horrible », ridicule en slip et chemise bariolée. Le duo pète les plombs et se déchire en s’envoyant des punchlines grandioses.  Elle lui  dit « toi et moi maintenant, c’est un grand non », il répond «tu es à moi ». Elle lui dit de se taire, il lui ordonne de parler…Et ça boucle en huis clos. Et pourtant, elle l’aime encore, il l’aime encore. C’est toujours la même histoire.

« Tu joues à la féministe polie tu surfes sur ton époque »/ «Ta loi masculine, on en marre, donc casse-toi »

Comme toujours chez Rambert, les comedien.n.e.s  jouent en leur nom. Victoria Quesnel et Joseph Drouet et hier soir, Anna Nowicki deviennent une véritable famille, tenue, retenue au bord du gouffre par la présence seule de leur enfant.

C’est pathétique de normalité. C’est une énorme dispute en 2024 où les thèmes de l’époque s’invitent. Elle aimerait qu’il soit le pire des masculinistes, il aimerait qu’elle soit une dingue hystérique. Mais il et elle sont bien plus complexes, et c’est bien cela qui les empêche de clôturer leur amour. Pour le meilleur et pour le pire, semble rappeler Rambert.

À la fin, on ne sait pas. Est-ce qu’ils tiendront le coup ? Peut-être. La pièce éprouve par son flot et son rythme. Rambert retranscrit extrêmement bien ce fil si infime entre la haine et l’amour.

 

 

 

 

 

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