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26.01.2025 → 08.02.2025

Une reprise du « Bal masqué » de Verdi admirablement servie à Munich

par Paul Fourier
28.01.2025

Le retour de la production de Johannes Erath sur la scène du Bayerische Staatsoper bénéficie d’une distribution quasi idéale et d’une direction d’orchestre percutante à souhait.

La création du Ballo sur fond de censures

La création d’Un ballo in maschera fut, avant tout, un feuilleton à épisodes qui confronta Verdi aux censures de deux royaumes d’Italie. Verdi alors ne faisait pas mystère de ses idées révolutionnaires et unificatrices, mais il évoluait dans des royaumes de la péninsule italienne, royaumes en fin de parcours et sur la défensive, usant encore de la censure institutionnelle, une arme émoussée, mais encore inflexible jusqu’à l’absurde.

Au départ, l’intrigue du « bal » devait s’articuler autour d’un fait historique réel, l’assassinat, en 1792, du Roi de Suède, Gustav III.
Mais, au mitan des années 1800, l’histoire européenne est frappée de soubresauts, souvent conséquences de la Révolution française. Des contre-coups d’État succèdent aux coups d’État. Tantôt l’on cherche à faire prospérer les acquis de la Révolution, tantôt des retours de bâton réactionnaires cherchent à essayer de sauver les monarchies.

Lorsque Verdi soumet à la censure napolitaine le livret élaboré avec Antonio Somma (sur la base du drame Gustave ou Le Bal masqué d’Eugène Scribe), le compositeur a déjà été célébré pour sa « trilogie populaire », Les vêpres siciliennes et Simon Boccanegra.
Le contrat de création de l’opéra est établi avec l’Opéra de Naples, et sur ce Royaume des Deux Siciles règne Ferdinand II, un monarque absolu lié à la dynastie des Bourbons. Parent de Louis XVI, Ferdinand II a été lui-même victime d’un attentat, en 1856 et l’idée que le personnage assassiné dans l’opéra soit un souverain ne peut pas être acceptée sur la grande scène du Royaume. La censure exige de trouver un personnage moins représentatif, de changer d’époque et de renoncer à l’assassinat par arme à feu.
Verdi s’exécute : le personnage devient un Duc, l’action s’éloigne en Poméranie, et le titre passe de Gustav III à Una vendetta in domino.


Mais… le 14 janvier 1858, Napoléon III, à son tour, est la cible d’une tentative d’assassinat fomentée par… des révolutionnaires italiens. L’attentat donne un nouveau prétexte au chef de la police napolitaine qui exige de nouvelles transformations pour l’opéra qui serait renommé Adelia degli Ademari et déplacé dans la Florence médiévale.
Tout lien entre le personnage et la monarchie doit, désormais, être expurgé, et, pour autres exigences, il faut modifier la scène de la voyante, retirer celle du tirage au sort de l’assassin, ainsi que celle du bal. Enfin, le meurtre doit se dérouler en coulisses.

 

Trop, c’est trop ! Verdi rompt alors le contrat avec Naples et engage des négociations avec l’Opéra de Rome, la ville du Pape… guère plus progressiste.
C’est finalement après de nouveaux grands coups de ciseaux, que l’opéra devient Un ballo in maschera et l’intrigue finit par se stabiliser… dans un Boston imaginaire avec une voyante noire et un assassin plus motivé par la jalousie que par le complot politique. La classe conservatrice aux abois, terrifiée par les perspectives de Révolutions, a alors suffisamment éloigné le risque d’interprétation idéologique et l’opéra sera créé au Teatro Apollo, le plus grand théâtre Romain de l’époque, le 17 février 1859.
Ironie du sort, en cette même année 1859, le système ancien des États italiens s’écroule comme un château de cartes, sous les coups de boutoir des alliés opposés à l’Autriche et du mouvement mené par Garibaldi, qui met fin à la domination des Bourbons.

 

Au-delà des péripéties sur la modification de contextes de l’action, l’opéra s’articule autour de soupçons d’adultère, de rapports de force virils (voire machistes) entre les personnages, et de désirs de vengeance aveugle.
La structure musicale de l’opéra est tout à fait particulière et le dernier acte qui oscille entre badinage et drame, montre une œuvre atypique de Verdi dans laquelle on trouve des scènes d’ensemble miraculeuses, telles que celles qui ponctuent la totalité de la fin de l’acte I. Sorte de parenthèse dans la carrière du Maître, il s’agit d’un opéra sombre fait de contrastes, dont les moments les plus légers préfigurent les pages dramatiques qui suivent.

Erath et son analyse psychanalytique

Ces rappels sur la création de l’œuvre permettent de dire que, finalement, Verdi a dû « masquer » les véritables intentions de son « bal masqué » pour pouvoir arriver au terme de son entreprise.
Pour sa mise en scène qui fut inaugurée en 2016 (Anja Harteros régnait alors en maîtresse des lieux, aux côtés de Piotr Beczala), Erath est probablement parti de ce constat, pour s’aventurer plus loin.

Pour lui, le contexte historique (de toutes façons, sacrifié par Verdi lui-même) est secondaire. Prenant le parti d’une analyse psychanalytique de l’œuvre, considérant que l’action se déroule avant tout dans la tête des personnages, le metteur en scène situe les différents actes dans un même très beau décor (d’Heike Scheele) avec un gigantesque escalier qui part autant du sol que du plafond.

Les personnages de la pièce semblent être les acteurs d’un jeu de dupes. Ils se cachent, en permanence, derrière des masques, contredisent leurs paroles par leurs actions. Le titre (UN bal masqué et non LE bal masqué) ne décrit pas que l’épilogue, mais peut s’appliquer à chaque action de l’opéra. Logiquement donc, dans la scène finale, l’utilisation de masques devient alors inutile puisque ceux-ci, invisibles, existaient durant toute l’intrigue.

 

Dans son analyse figurant dans le programme de scène, Malte Krasting souligne que la musique elle-même recèle un double fond, une ambiguïté permanente. Dès le début, lorsque les courtisans souhaitent une bonne nuit au Conte, l’on peut déjà entendre, dans le « Posa in pace », une forme de requiem (« Repose en paix ») qui annonce le drame final.
Il en sera ainsi lors des différentes étapes de l’action, notamment dans l’étonnant final au bal masqué, alors qu’une musique légère accompagne la noirceur du complot et de l’assassinat qui va survenir.

 

Chaque personnage agit ainsi d’une manière qui révèle son subconscient. Le Conte, comme lassé des charges de son pouvoir, accumule les considérations légères en saisissant toutes les occasions de se distraire (la liste des invités au bal, la visite chez une diseuse de bonne aventure). Lassé également, cette fois, par la vie, il se met, en permanence, en situation de risque, courtisant Amélia, la femme de son ami le plus cher, ou se rendant au bal alors que bruissent des rumeurs d’attentat.

 

Pour Erath, du personnage d’Ulrica émane le subconscient des uns et des autres auxquels elle révèle ce qui se cache derrière leurs masques. Du fait de son dévouement au Conte, Renato, pour qui la trahison n’en sera que plus dévastatrice, a délaissé sa femme, mais il agit finalement plus par orgueil que par amour, voire même par jalousie.
Amelia elle, cherche à s’évader d’un couple qui se délite. C’est probablement la raison qui la mène chez Ulrica et la jette dans les bras du Conte.
Quant à Oscar, ce personnage provocateur et mystérieux, il apparaît comme celui qui s’arroge le droit de cacher… ou de dévoiler.

Du grand et beau Verdi

Comme de nombreux opéras de Verdi, Le bal masqué est une œuvre qu’il faut avoir à cœur de faire briller ; la moindre faiblesse peut s’avérer ici rédhibitoire. Chaque rôle (jusqu’aux plus modestes) doit, dans l’absolu, être judicieusement tenu, et l’orchestre être à la hauteur de cette partition qui, si elle n’est pas la plus connue du compositeur (peut-être parce qu’elle précède les trois chefs d’œuvre que sont La forza del destino, Don Carlo et Aïda), mérite un traitement digne de son extrême qualité.

De fait, Andrea Battistoni (qui vient d’être nommé directeur musical du Teatro Regio de Turin) à la tête de l’orchestre du Bayerische Staatsoper, notamment grâce au tapis soyeux de ses violons, a permis, à tout moment, l’émergence des couleurs et contrastes de cette musique, jouant des ruptures de rythme, débutant avec lenteur, pour, subitement, faire éclater l’ouverture ; apportant aux finals tout leur côté spectaculaire, par un usage sans économies des percussions (par exemple à la fin de l’extraordinaire première scène de l’acte I (« alle tre »)).

Certains passages sont magnifiquement réglés et la fin, au moment du bal, est d’une perfection absolue ; se joue alors une musique aussi légère que lancinante, une musique dont le chef sait tirer des accords discordants pour mettre en exergue le fait que ce petit monde se dérègle et que le moment du dévoilement de chacun est proche. Cette scène de bal masqué (non masquée), profondément inquiétante, se dirige vers sa conclusion ponctuée par le coup de pistolet de Renato qui provoque immédiatement une explosion vocale ; puis, après cette violente parenthèse, la musique, lancinante, reprend avant une lente descente vers le requiem qui semblait déjà ouvrir l’opéra.
L’on peut alors pleinement savourer l’une des plus passionnantes fins d’opéras écrites par Verdi. À ce moment, Riccardo s’extrait de son corps gisant au sol, pour remonter l’escalier accompagné d’Ulrica.
Les masques sont définitivement tombés et la « comédie » est terminée.

Aux éloges sur la perfection de l’orchestre, l’on mêlera celles sur la qualité du chœur du Bayerische Staatsoper, totalement rompu à Verdi et absolument percutant, ses interventions contribuant à bâtir une toile de fond fascinante apte à nous régaler avec le Verdi que l’on aime.

Car, ce que l’on ressent lorsque l’on est au Bayerische Staatsoper, une maison soutenue par un public très connaisseur, c’est cette capacité à soigner méticuleusement ses productions, et ce, des mises en scène à l’orchestre ; et également de choisir avec soin les chanteurs jusque dans les plus petits rôles.

L’on saluera ainsi l’excellent Silvano d’Andrew Hamilton, les Samuel et Tom de Bálint Szabó de Roman Chabaranok, beaux duettistes de mise à mort auprès de Renato.

 

Un ballo in maschera exige surtout cinq principaux solistes qui ne manquent pas de morceaux de bravoure. Les interprètes de ce soir ont saisi toutes les occasions d’apporter à leurs personnages leurs talents respectifs.

Oscar est le premier rôle travesti écrit par Verdi, rôle que, contre toute attente, il a confié à « une soprano colorature. Seonwoo Lee dispose d’une voix brillante et souple, aussi bien que du tempérament coquin, éléments essentiels à ce curieux personnage et à ses deux airs, qui assurent une véritable fonction de rupture au milieu du drame.

 

En ce qui concerne le personnage d’Ulrica, s’il n’exige pas de subtilité particulière, il demande une voix charpentée et convaincante ; dans l’idéal, la voix doit frapper par sa projection et par son assurance à délivrer les prédictions. Forte de ces caractéristiques et armée de ses redoutables graves, Yulia Matochkina est une interprète idéale pour le rôle et le demi-acte qui est le sien est marqué par sa puissante empreinte.

 

Pour sa part, Renato est un personnage intéressant, quoique relativement monolithique.
L’interprète doit savoir porter son évolution psychologique, alors que d’abord, il est principalement attentif aux intérêts du Conte, puis rongé par un désir de représailles après l’affront qu’il a connu. Ludovic Tézier, qui remplace Igor Golovatenko pour le bonheur des Munichois (et moins des Parisiens qui l’ont vu se retirer du Rheingold), porte son irremplaçable pâte verdienne dans un « Alla vit ache t’arride » qui a été justement acclamé au premier acte. Puis, dans les grandes scènes de l’acte II, le baryton met son talent incomparable au service d’un homme qui construit implacablement sa vengeance et maltraite sa femme. L’air « Non è su lei (…) Eri tu che macchaivi quell’anima », admirablement dirigé par l’orchestre, glace le sang par sa véhémence et sa violence pour atteindre un sommet, alors qu’il se lamente sur son amitié trahie.

Il est évident que la déception prévalait à l’annonce du retrait de Charles Castronovo dans le rôle de Riccardo pour cette première. La projection qui se sera avérée la plus faible des principaux solistes n’aura pas cependant pas empêché Giorgio Berrugi qui l’a remplacé, d’être un interprète de qualité.
Le rôle est beau, et la voix élégante a su alors lui donner toute sa dimension. L’air du deuxième acte (« Forse la soglia attinse (…) Ma se m’è forza perderti ») où le ténor fort d’un magnifique legato, de très belles demi-teintes et d’aigus francs a été admirable.

 

Après un démarrage plutôt modeste dans l’acte I, Nicole Car s’est emparée de son personnage avec ardeur, avec son « Ecco l’orrido campo ove s’accoppia », et elle et ne le lâchera plus. Apportant des nuances mordorées à cet air, démontrant un ambitus adapté au rôle, usant surtout de ses aigus d’une beauté confondante, elle fait alors une très belle entrée en matière.
Par ailleurs, ce qui est non négligeable dans ce rôle et dans cette mise en scène, les remarquables capacités d’actrice de la soprano ont servi les multiples dimensions de cette femme, finalement égarée, qui cède à Riccardo, puis doit affronter les sévices sadiques de son époux.
Dans le magnifique duo avec Berrugi, elle met sa voix au service de la passion ; son médium et ses aigus donnent à ses « t’amo » une vérité touchante.
Elle entame, avec le même talent, le chemin de croix qui suit la révélation aux yeux de tous de son prétendu statut de femme adultère. Son « Morrò, ma prima in grazia » parfaitement timbré entre médium et graves, sait alors profondément mettre en évidence, sans effets de manche, toute la souffrance de la femme et a été l’un des plus beaux moments de cette soirée bénie.

 

Au sortir de cette représentation, le plaisir était donc à son comble. Le fait que le Bayerische Staatsoper ait su mettre tous les atouts vocaux et orchestraux dans la reprise de cette belle mise en scène aura apporté, une fois de plus, la confirmation que, par son souci de la qualité dans ses moindres détails, il est l’une des plus grandes maisons d’opéra européennes ! Un constat qui donne envie d’y revenir, par exemple pour le festival d’été qui s’annonce en juillet et dont le programme est brillant.

Visuels : Geoffroy Schied