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La dernière révérence de Frédéric Werlé déçoit en bien à Micadanses

par Nicolas Villodre
15.09.2024

Le festival Bien fait! a présenté rue Geoffroy L’Asnier la création de Frédéric Werlé My choregraphic suitcase ou ma dernière révérence, manière de dire adieu ou plutôt au revoir au music-hall.

Polygraphie

Le polygraphe Werlé (pour reprendre le qualificatif de Christophe Martin) fait dans l’hypergraphie ou la métagraphie (concept isouien datant de 1950) et se réfère ainsi, dès l’entame, au cinéma supertemporel d’un Maurice Lemaître dont on garde en mémoire Le Film est déjà commencé? (1951). Le spectacle, notion qui fit le miel de l’Internationale lettriste et du situationnisme, commence donc, comme il se doit, avec cinq minutes de retard. Ce qui est d’autant plus surprenant qu’à Micadanses-Paris, pour une fois, la première partie de la soirée Toujours et encore a démarré à l’heure prévue.

 

Celui qui, il n’y a guère, s’est illustré comme un maestro dans le domaine de l’humour non sensique (pour reprendre l’expression de Philippe Verrièle), entouré, qui plus est, d’un guitariste flegmatique, natif du pays de Lewis Carroll (Paul Peterson) et d’une fausse éclairagiste faisant de figuration intelligente (Lucie Euzet), a pris le risque de désappointer son audience. Pour la première fois, sans doute, à Micadanses, deux spectatrices ont pris la poudre d’escampette, pour ne pas dire se sont fait la malle (histoire de paraphraser le titre de la pièce). Ce, aux trois-quarts de la durée. Cela mérite explication.

 

Déceptivité

Formellement parlant, rien à dire : la dernière (ou avant-dernière) révérence de l’auteur commence fort et prouve qu’il en garde sous le coude. Werlé définit justement la danse, concept des plus flous aujourd’hui : «Mon métier c’est de jouer avec toutes les grammaires». Sa «sémiologie personnelle du corps dansant» – qui fait penser à la Sémiologie du parapluie (1990) de Dominique Noguez – recycle des mouvements aussi perdus que le P’tit bal chanté par Bourvil, chorégraphié par Decouflé dont il fut par ailleurs l’interprète. Il met en cause le spectacle, s’adressant directement au public, franchit le 4e mur cher à Diderot que l’inventeur de la chorégraphie de rue (sic!) a, de son côté, cherché vaniteusement à abolir. Il use du brigadier tel un metteur en scène d’ouverture de J.O. Il s’interroge sur la lumière fantôme, sur les entrées sur scène, évoque la princesse de Clèves. Cependant, la danse est, à ce stade, marquée (esquissée, esquivée) et l’œuvre, faufilée.

 

La pièce se défait en effet peu à peu. Alors que motivations et motifs gagneraient à être développés, peaufinés. Manquent les gags visuels et sonores, les trouvailles et les vannes pour que la déceptivité visée et assumée contienne la déception. On sourit plus qu’on ne riait dans de précédentes prestations. Restent les bons mots, la bonne humeur, le bon esprit, les piques à un Gad Elmaleh (allusion à la formule du stand-up dont relève le show ou rappel du plagiat nécessaire préconisé par Lautréamont?). Nous intéresse le faux entr’acte en écho au faux début, sans doute aussi au film instantanéiste de Picabia et René Clair. Nous amuse la fixette sur le duo mémorable Akram Khan-Juliette Binoche. Nous touche son amourette pour Anouk Grimberg.

Visuel : Frédéric Werlé © Nicolas Villodre