Seul festival international de danse de Flandre, le December Dance de Bruges, va être durant 11 jours et 14 spectacles-performances le rendez-vous incontournable du public et des professionnels. Un point de rencontres des jeunes artistes émergents belges , et d’artistes internationaux confirmés.
Depuis 17 ans, en décembre, une vague de danse contemporaine déferle sur les canaux de la magnifique ville de Bruges, classée Patrimoine mondial de l’UNESCO. Une ville mémoire, témoin d’un échange considérable d’influences sur le développement de l’art et de l’architecture. Son festival annuel le Décember Dance lui ressemble avec sa mixité ethnique, culturelle, des genres, parée d’une émulation interdisciplinaire qui s’affiche dans toute la ville. Un festival témoin de la diversité des styles et domaines qui infiltrent la danse contemporaine belge et mondiale actuelle.
Pour en savoir plus, rencontre avec Sigrid Janssens, qui est depuis 2022 la coordinatrice artistique de Dans in Brugge et du festival December Dance que nous suivrons pour vous ces prochains jours. Passionnée d’art, plus particulièrement de danse, d’arts visuels et d’architecture, ce qui donne sens et couleur à sa vie, elle affirme même ne pas pouvoir vivre sans.
J’ai vu mon premier spectacle de danse vers l’âge de 14 ans, il s’agissait d’une performance de Wim Vandekeybus et j’ai été « blown away ». C’était il y a environ 35 ans, au moment où une nouvelle et importante ère pour la danse contemporaine se dessinait et naissait en Belgique.
Je rêvais moi-même d’être sur scène, mais les choses se sont passées différemment.
Tout au long de mon parcours professionnel j’ai cherché à rester en lien avec la danse, même de manière indirecte. J’en suis toujours très heureuse !
Après mes études, j’ai eu l’opportunité de faire de la recherche à l’Université d’Anvers. J’ai été chargé de cartographier la collaboration entre les différentes initiatives de danse à Anvers. C’est ainsi que je me suis retrouvée au centre des arts Monty où je suis devenue assistant à la programmation. Je me concentrais principalement sur la danse et les projets collaboratifs avec d’autres partenaires de la ville. Nous avons également initié durant quatre éditions, le festival international de danse Amperdans avec plusieurs partenaires à Anvers. C’était une période fantastique où il s’est passé beaucoup de choses comme les premières générations de diplômés de P.A.R.T.S, l’école de danse d’Anne Teresa De Keersmaeker. Elle fourmillait de jeunes talents, Claire Croizé,Pieter Ampe…désireux de réaliser leurs premiers projets.
Ensuite, j’ai également travaillé pour l’organisation de danse Kunst/Werk. Puis j’ai voyagé à travers le monde avec la compagnie de théâtre TG Stan, ce qui m’a permis de construire un réseau international, qui me sert beaucoup dans mes fonctions actuelles, dans mon souhait de développer au maximum la dimension internationale du festival December Dance. C’est ce contact avec toutes ces personnes, venant de différents coins du monde, qui est l’un des plus beaux aspects des différents postes de travail que j’ai occupé. Il y a tellement de générosité !
En construisant ma programmation je ressens l’avantage d’avoir été à la fois du côté d’une compagnie et de celui du programmeur. Vous comprenez mieux les besoins et les spécificités des deux parties.
Né en 2007 d’une collaboration soutenue entre le Concertgebouw Brugge et le Cultuurcentrum Brugge, la programmation du festival s’est construite, alternativement, avec un focus sur une région géographique et un chorégraphe comme intendant artistique. Depuis 2020, cette approche thématique a été abandonnée, car si la formule était intéressante, elle avait ses limites et s’est épuisée.
La qualité artistique d’une œuvre prime sur un lien thématique. Le programme du festival est d’abord construit, puis un certain nombre de points communs peuvent s’en dégager.
En 2024, quelques thèmes reviendront dans les différentes représentations du festival, comme la transformation, la valeur de la tradition et donner une voix à des groupes oubliés.
Dans cette édition 2024, les arts cohabitent, s’interrogent, se répondent dans des créations inspirantes. Prenons l’exemple de la grande salle de spectacle du Concertgebouw. Elle est dédiée principalement à la musique. Dans les spectacles que nous y programmons, il y a donc souvent un lien très fort avec celle-ci. La pièce d’Emanuel Gat relie Beethoven à Kanye West, alors que celle de Jan Martens VOICE NOISE a une playlist incroyable et fait une ode aux voix des femmes.
Le Concertgebouw est une structure iconique de Bruges, classée parmi les 1 001 bâtiments au monde « à voir avant de mourir ». Le 14 décembre Kinga Jaczewska, en s’inspirant de son intérêt pour le mouvement architectural du brutalisme, invitera pour BRUT deux danseuses à explorer l’architecture en béton de ce lieu. De même, avec Terra Cobre le danseur/ chorégraphe Marco da Silva Ferreira et le musicien/sculpteur João Pais Filipe réuniront danse et musique dans une installation sculpturale qui explorent les concepts d’identité, de culture et de société.
D’autres représentations auront aussi lieu au MaZ, au théâtre municipal, au théâtre Biekorf, au KAPP KAAP.
Elle permet d’avoir des moyens financiers, humains et logistiques pour soutenir un grand projet, démarré par Sonia Debal (directrice du Cultuurcentrum Brugge – 1991-2014) qui a beaucoup œuvré pour la danse à Bruges. Notre objectif est que la ville de Bruges ne soit plus uniquement attractive et visitée pour son aspect touristique, mais également artistique, en faisant un haut lieu de la création et diffusion de la danse contemporaine. C’est pour cela que ce projet se construit tout au long de l’année avec une programmation continue portée par Dans in Brugge.
Cela est assez exceptionnel pour les habitants de Bruges de voir un programme aussi riche et diversifié durant le festival December Dance mais aussi dans la saison sans devoir aller à Bruxelles ou Anvers.
Oui, tout à fait. À l’étranger, les gens regardent encore avec une grande attention tout ce qui se produit au niveau de la danse contemporaine dans un petit pays comme la Belgique – tant en termes de qualité que de quantité. En ce sens, je pense qu’il est très important d’offrir une plateforme à ces talents. Lors de la prochaine édition de 2025, des efforts supplémentaires seront faits avec diverses créations belges et une plateforme pour les artistes débutants.
Nous avons un troisième partenaire, le centre d’art KAAP, qui a une antenne à Bruges et à Ostende, il se consacre à la production, la présentation et la réflexion sur l’art contemporain. Ils sont surtout sur la création, avec des jeunes artistes en résidences. Je travaille beaucoup avec Merel Vercoutere l’artistic coordinator podium de KAAP. Les artistes associés sont suivis pendant deux ans. Ils peuvent suivre un vrai parcours artistique évolutif.
Lisa Vereertbrugghen (2022-2024) a commencé par donner plusieurs workshops puis sa création solo au centre culturel dans la petite salle durant la saison. Elle voulait faire une piéce avec plusieurs danseuses, nous l’avons épaulé pour ce passage et coproduit sa création While we are here dans le cadre du December Dance 2023.
Michiel Vandevelde, autre artiste que nous accompagnons jusqu’en 2025, a fait sa première en Belgique du Sacre du printemps dans le cadre du festival December Dance 2023.
Actuellement, nous avons deux nouveaux artistes très prometteurs en résidence : Femke Gyselinck (2024-2026) qui fera en janvier 2025 sa première création Torment of hearts (coproduction) et Guilhem Chatir (2025-2027).
Un programme « Mi-carrière artiste » qui permet de confirmer des talents émergents.
What We Can Do Together est pour moi une création très importante au sein du festival. Je suis donc très heureuse que nous puissions leur offrir un lieu de première et une coproduction. L’inclusion suscite une attention croissante, également dans le monde de la danse – et à juste titre. En même temps, on constate qu’il y a encore beaucoup de travail à faire, tant sur le plan artistique que pratique (par exemple l’accessibilité dans les coulisses des théâtres). Ces projets fonctionnent souvent avec une distribution mixte, comme dans le cas de MonkeyMind Company. L’enjeu est alors de mettre en valeur les atouts de chaque artiste et surtout de travailler sur une base d’égalité.
Cela dépend évidemment de ce que vous recherchez, mais vous pourriez vous laisser tenter par certaines productions internationales que l’on ne peut voir qu’à Bruges en Belgique (comme Freedom Sonata d’Emanuel Gat, La Terre en Transe de Taoufiq Izeddiou ou encore Terra Cobre de Marco da Silva Ferreira). Il ne faut pas rater Fampitaha, Fampita, Fampitàna de Soa Ratsifandrihana qui était au Festival d’Automne à Paris. De plus, à travers le festival, vous découvrirez également toute une série de projets créés par des artistes belges : des petits projets in situ aux œuvres impressionnantes pour la grande salle et des jeunes talents aux noms renommés. Modesta (play of language and lips) des jeunes créateurs belges Nathan Ooms et Anna Franziska Jäger.
Mais la danse, c’est avant tout créer des liens, sur scène, mais aussi hors scène. Cela rassemble les gens.
J’espère donc que le festival invite les gens à se rencontrer et à échanger, un lien social qui se poursuivra après le festival.
La 17e édition de December Dance du mer. 04 déc. – dim. 15 déc. 2024
Visuel :©C sightways Concertgebouw Brugge