Dans le cadre du Festival Suresnes Cités Danse, (mais à une représentation à Fontenay sous Bois) , la compagnie Lamalo dévoile Agapé, une pièce chorégraphique signée Jérémy Alberge. Un titre qui fait écho à l’amour inconditionnel dans la mythologie grecque, et une création qui transcende les codes pour offrir une danse à la fois intime et universelle.
Lauréat du Concours Sobanova, Jérémy Alberge est un artiste formé au Ballet Junior de Genève, mais nourri par la culture électro. Avec Agapé, il interroge l’amour sous toutes ses formes, bien au-delà du romantisme, et l’exprime par le biais d’un collectif où chaque individualité trouve sa place : cinq danseurs d’horizons divers – Pauline Richard Langendorf, Yam Omer, Noémie Abauzit et Théo Samsworth – dans un ballet où leur passé chorégraphique si différent s’entremêle : électro, classique, contemporain, danse de salon… Leurs costumes reflètent leur singularité, tantôt formels, tantôt sensuels, et toujours harmonieux dans un visuel scénique stérile.
Les jeux de lumière (Naia Burucoa) dessinent leurs ombres mouvantes, qui deviennent de véritables partenaires de danse. Comme des Peter Pan modernes, les interprètes semblent parfois vouloir rattraper leur propre silhouette. Porté par une musique envoûtante qui éveille la curiosité ( Ran Bagno), un solo est un duo, une conversation intime entre le danseur et son reflet insaisissable.
Agapé évoque une sérénité presque contemplative, mais dans une scène marquante, les cinq danseurs, la main sur la bouche, crient un cri muet. Ce drapeau blanc, en fond de scène, symbolise-t-il un appel à l’aide, une résistance silencieuse ? Leurs mouvements sont un langage, un morse corporel, où chaque geste devient un signal.
Individuellement, ils semblent vouloir s’approcher, comme hésitant à franchir l’espace qui les sépare. Mais lorsqu’ils le font, ils s’attirent comme des aimants, fusionnant en une entité puissante. À la manière de ces figurines vintage qui s’embrassent dès que leurs aimants se rencontrent.
Si à deux, la danse devient intime et sensuelle ; à cinq, elle évoque une créature mythologique grecque, une Hydre de Lerne à un seul corps et aux multiples têtes.
Comme le souligne Jérémy Alberge lors d’une rencontre en fin de spectacle, « la notion du commun n’est plus acquise ». Dans un monde où l’individualisme s’impose, Agapé devient un manifeste dansé, un bouclier contre l’adversité, une échappatoire à l’existence. Plus qu’un spectacle, c’est un cri d’amour collectif avec l’envie un peu naïve de parler d’un amour, au-delà du romantisme.
À l’issue de la représentation, le public conquis, dès un très jeune âge, offre une ovation impressionnante. L’amour inconditionnel, l’”Agapé” qui traverse la pièce est celui d’un public conquis qui suivra les prochaines créations de Lamalo , cette jeune compagnie aux ambitions affirmées.
Visuel© Suresnes Cité Danse