Après un premier album remarqué, L’Eté des charognes, Sylvain Bordesoules revient avec une BD profondément émouvante ancrée dans une réalité sociale sincère.
L’une travaille, l’autre pas. L’une est mère, l’autre part. L’une est hétéro, l’autre pas. L’une, c’est Candice, l’autre, c’est Mélissa, sa sœur. A Nice, alors que l’été 2020 touche à sa fin et que la rentrée des classes pointe le bout de son nez, Mélissa et Candice évoluent tant bien que mal dans une vie qui les oblige. Pour Mélissa, c’est la nécessité de trouver un travail, même si les allocations chômage lui permettent de souffler un peu, mais aussi le souhait de déménager, de s’installer ailleurs avec sa copine. La vie de Mélissa, c’est aussi de s’occuper de son neveu et de sa nièce lorsque sa sœur Candice se retrouve trop occupée par son job d’employée de crèche. Candice doit gérer la rentrée de sa fille qui intègre la classe foot, mais aussi les relations avec son ex, le père de ses deux enfants, à qui on vient de diagnostiquer un cancer.
Les réussites d’Azur asphalte sont nombreuses, et font de l’album une des meilleures bandes dessinées de cette rentrée littéraire d’automne 2024. Sans aucun surplomb, Sylvain Bordesoules s’intéresse à la vie de ces deux sœurs, à l’amour qui les lie et à cette entraide nécessaire. Il y a le portrait de ce qu’on appelle la « France périphérique » sans aucun misérabilisme. La France des grandes enseignes, des marques repères, des trajets en voiture et des panneaux publicitaires.
Par petites touches, l’auteur rend son album extrêmement concret. On louera notamment la qualité des dialogues qui alternent parfaitement avec des voix off introspectives (« On a pas vraiment au de modèle idéal. J’ai dû me débrouiller à 16 ans et j’ai eu Colyne à 21. J’avance un peu à l’aveugle, j’essaie de lui donner ce que j’ai pas trop eu, de pas reproduire ce que j’ai pas aimé. »). Et puis il y a le McDo que l’on commande et qu’on peut se permettre en début du mois, les chansons de Jul qu’on écoute, les livres de Virginie Grimaldi ouverts quand on en a le temps, les bédos, les vaccins contre le Covid qu’on a refusés… Presque sans aucune péripétie, Azur asphalte passionne.
Azur Asphalte, Sylvain BORDESOULES, Gallimard, 168 pages, 24 €
Photo : © Illustration de l’album