Melody Gardot au Festival Django

Ici, au pays de Fontainebleau, repose l’âme du gitan, Django, celui qui incarnait le jazz manouche, un vent de liberté. Django Reinhardt est enterré non loin d’ici, à Samois-sur-Seine, il a fini sa vie ici. Chaque année, depuis 1968, a lieu ce festival qui porte son nom. Ici ce soir-là, c’est une figure féminine qui lui rend hommage. Melody Gardot entre en scène, en diva habillée de blanc, au corset noir sexy et à la crinière blanche. Black and white, tout comme la musique qu’elle célèbre. Ses musiciens sont brésiliens et américains, des tempos lents et des tempos rapides. Beaucoup de ballades qui résonnent sous les étoiles, un morceau de swing comme à l’époque de « Saint-Germain-des-Prés », et surtout des sourires sur les visages des familles restées, assises dans l’herbe, malgré le début de la nuit pour partager ce moment de poésie.

Un hommage à fleur de peau

On est à fleur de peau, comme la voix de Melody, sensuelle, féminine, suave, un murmure de baryton qui mélange les langues et les étoiles traversant les frontières. Les paroles sont en français, en anglais, en portugais et pas de paroles parfois. De la lenteur et du silence aussi. Les percussions qui résonnent et Melody invoque « Iemanjá », divinité protectrice dans la culture du candomblé (culte afro-brésilien), dont le rôle est de nous envelopper de sa tendresse. Et on se sent tout à coup rassuré par le chant de cette jolie femme à la crinière blonde qui porte des lunettes de soleil depuis qu’elle est devenue hypersensible à la lumière, et qu’elle a failli mourir à 19 ans d’un grave accident de vélo à Philadelphie. La musique comme thérapie, la musique l’a sauvée. C’est un formidable modèle de résilience. D’ailleurs, c’est là aussi où l’on recroise Django, qui a eu deux doigts brûlés dans l’incendie de sa caravane et a inventé une technique guitaristique avec deux doigts en moins. Deux destins de musiciens qui nous montrent le chemin de l’espoir malgré les accidents de la vie, qui par leurs belles mélodies célèbrent la vie au prix de tristesses et de douleurs du passé. Les plus belles œuvres naissent des grandes tristesses et on en a bien besoin de résilience, en ce moment si particulier que traverse le monde.

Un chant d’amour universel

On écoute quelques chansons connues de Melody, « Les étoiles », « C’est magnifique », et ce soir-là, on n’a qu’à lever la tête pour les voir, les étoiles dans le ciel. La poésie à portée de tous. Philippe Powell est au piano. Jorge Bezerra, aux percussions. Dès les premières notes, on sent la pulsation, l’impulsion. Ils ont le rythme et le « groove » dans la peau, on a envie de bouger, de dénouer les épaules et les hanches, de s’embrasser aussi. Le plus beau cadeau c’est « Samba em prelúdio », lorsque Philippe Powell, fils du célèbre guitariste brésilien Baden Powell, se met à chanter en s’accompagnant au piano « Samba em prelúdio », ode à l’amour écrite par Vinicius de Moraes et Baden Powell en 1962. Et là, les larmes montent aux yeux. Et ce chant d’amour universel nous touche.

« Un jour sans toi
Chaos de pourquoi
Un vœu sans retour
Des rêves d’amour

La tristesse qui va
La tristesse qui vient
Sans toi mon amour
Je ne suis personne »

Les applaudissements résonnent, le concert est terminé, on se réveille lentement de ce rêve hypnotique. Ce n’est pas fini, les familles rentrent mais nous, on suit les musiciens avec leurs guitares sur le dos et on continue jusqu’au bout de la nuit à la jam session du camping de Samoreau qui durera jusqu’au petit matin…