Dans un dispositif à la Jules Verne, Marie Spénale propose une réflexion richement illustrée sur ce qu’aimer veut dire.
Annie a la soixantaine et a toujours eu envie de voyager, une envie de « vivre des choses ». Mais la croisière sur laquelle elle s’est embarquée avec son mari Alain tourne mal : naufragée, elle se retrouve seule sur une île déserte habitée par un beau jeune homme qui ne parle pas sa langue. Au fur et à mesure que les jours passent et que l’angoisse se dissipe à force d’éprouver de menues joies quotidiennes, Annie se rapproche de son Vendredi.
Marie Spénale choisit spécialement de faire de son héroïne principale une femme d’une soixantaine d’années, « le moment où les femmes sont considérées comme moins désirables ». Annie le sent : elle a beau vivre depuis de longues années avec Alain, l’ennui semble guetter ce couple installé, et le sexe s’apparente à une routine. Elle préfère faire plaisir à son partenaire que poser des questions auxquelles Alain se déroberait (« comment faire pour que mon existence touche la tienne ? »).
Il y a longtemps que je t’aime traite avant tout du désir, et de la construction de celui-ci entre deux êtres coupés de tout milieu social (« Je peux entendre que ces histoires d’amour étaient des contes pour jeunes filles, que je dois arrêter d’y croire. »). Annie se coupe les cheveux, devient plus « masculine », tandis que cet ersatz de Vendredi adopte des poses lascives via son corps androgyne. Grâce à de magnifiques couleurs et un joli bestiaire d’animaux occupant l’île, Marie Spénale campe solidement son histoire brassant les thèmes de la vieillesse, de l’amour et de la rencontre.
Il y a longtemps que je t’aime, Marie SPENALE, Casterman, 128 pages, 24 €