Pendant toute une année, jusqu’au 16 novembre 2025, le Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme nous permet de rencontrer la danseuse, chorégraphe et enseignante dans un parcours qui nous entraine de Hambourg à Paris entre 1913 et 2001.
On peut lire ça sur le panneau de présentation de cette courte (deux salles), mais riche (140 photographies, affiches et costumes ) exposition : « Née à Hambourg dans une famille juive polonaise, Paula Padani devient orpheline à douze ans. La danse qu’elle pratique depuis l’enfance lui insuffle l’énergie de se construire. Elle suit à Dresde l’enseignement de Mary Wigman, personnalité phare de la modernité chorégraphique allemande. Mais, privée d’avenir professionnel sous le IIIe Reich, elle s’exile en 1935 (…) Elle entre clandestinement en Palestine mandataire en 1936 ». Un début de vie juive en résumé. L’exil est partout, la perte est envahissante. Là où ce trajet tragique croise le merveilleux, c’est dans ce nom : Wigman. Pour vous situer, Wigman c’est le pré-gaga. Pas d’Ohad Naharin sans Mary Wigman en gros. C’est le moment où la danse se décharge des tutus et des pointes. Isadora Duncan a déjà posé ses pieds nus sur le sol ou des plages. Sur les photos, très nombreuses, on sent le geste aller vers un tourbillon, les costumes de scène laissent penser à des amplitudes derviches. On adore voir ses mains se croiser dans une ouverture, nous sommes en 1937, la pièce se nomme Extase, elle est à Tel-Aviv, et on y sent toute l’effervescence de l’école du Bahaus.
Toute sa vie, on le comprend via les sources rassemblées grâce à sa fille, Gabrielle Gottlieb de Gail, Paula Padani a cherché et réussi à croiser vie militante et danse. En 1947 par exemple, elle accompagne les rescapé.e.s juifs en Allemagne. On la voit avec les rescapés du camp de Bad Reichenhall ou dans les différentes tournées de L’American Jewish Joint Distribution Committee et en même temps être sans cesse dans la recherche de sa propre grammaire chorégraphique. Elle a écrit 30 solos, en plein conflit contre l’occupation britannique, elle fait un pas de côté pour aller chercher dans les racines juives de son pays, elle compose des pièces dont les titres font explicitement référence à la culture yiddish : Hora qu’elle danse… devant la tour Eiffel en 1948, où tout en voiles pour Joseph Adolescent, elle questionne la portée philosophique des récits bibliques.
En retraçant la vie de cette artiste, le majH montre comment la danse interagit avec l’histoire juive du XXe siècle avant et après la Shoah. L’exposition permet de saisir aussi, et en ce moment, c’est utile, le creuset intellectuel juif en Israël avant 1948.