Quelques minutes chacun, les courts-métrages se succèdent, vagues de tristesse et d’espoir, l’une après l’autre. Avec une caméra, et rien d’autre, plusieurs dizaines d’artistes palestiniens ont matérialisé ainsi, aux yeux du monde, leur cri. Ce projet collectif est supervisé par Rashid Masharawi (premier cinéaste palestinien à avoir représenté son pays à Cannes en 1986 avec Haïfa) et sera présenté au Festival du film franco-arabe de Noisy-le-Sec (FFFA) dans le cadre du «Focus Gaza» qui a lieu du 15 au 30 novembre 2024, ainsi qu’ en compétition aux Oscars
Une multiplicité de courts-métrages, mais chaque fois un regard personnel, différent. C’est d’abord cela qui frappe : une même désolation mais, derrière les chiffres des morts entendus aux informations, des voix singulières, si vivantes. Face à la guerre, différente de toutes les autres guerres, chacun réagit avec son regard, sa colère, sa peur, sa fatigue ou son élan d’amour.
L’objet court livre, presque chaque fois, une chute abrupte. Parfois, la fin s’éternise en un soupir en bord de mer. Deux cinéastes, explicitement, nous parlent de leur impossibilité de filmer, demandant pardon au cinéma avec des mots sobres et justes (Sorry cinema et Taxi Wanissa). D’autres, en particulier des femmes, insistent sur la vie qui appelle, qui exige la joie, la danse, l’amour (Charm, No). Certaines filment les sourires, la musique, contre tout ce qui cherche à détruire systématiquement ces existences soudain bloquées, empêchées. Les phrases nous bouleversent : «La mer me manque. Je suis une fille de la mer forcée de vivre comme une réfugiée.» (Overburden), «Crois-moi, mon ami, avant j’avais une belle vie dans une belle ville.», «Nous sommes les offrandes des temps actuels. Sors-moi, ô Dieu, de ce jardin funeste. » (Offerings), «C’est comme si ces jours étaient en dehors de moi, je me sens dans un livre.» (Overburden)
La tristesse grave des enfants, à qui leur maman écrit sur les bras et les jambes pour pouvoir regrouper les morceaux de corps, est insoutenable. Pour eux, les adultes se doivent de rire, de chanter. Un saltimbanque promet les rires : «Je vais prendre une douche et je vous fais le spectacle.» (Everything is fine) Si seulement… Prendre une douche prend toute la journée et, le soir, combien sont encore là pour rire ?
Une jeune étudiante en arts, Ranim Al Zeriei, contemple ses œuvres saccagées. Elle n’avait pas pensé, dans un premier temps, que l’Université, l’art, tout ce que l’on accomplit pour laisser une trace, disparaissait aussi vite, dans une guerre. «Je n’ai plus aucun projet dans aucun lieu.»(Out of Frame) A Gaza, le seul horizon, c’est la mer. «C’est bien que la mer existe.» dit sobrement l’une des cinéastes. La mer et l’espoir.
<em>From ground zero</em>, projet supervisé par Rashid Masharawi, produit par Laura Nicolov, Fiction, documentaire, animation, 1h33, France, 2024.
Visuel(c) affiche des films