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Yoncheva et Grigolo électrisent « Tosca » à Vérone

par Paul Fourier
12.08.2023

Alors même que le chef peinait à donner du rythme, les deux artistes ont insufflé une pure émotion à cette reprise de l’opéra de Puccini. À la mise en scène, Hugo de Ana pêche par ses marottes habituelles, mais réalise quelques grandes scènes spectaculaires.

En janvier, nous assistions à Berlin, à une Tosca de haut vol avec Sondra Radvanovsky, Vittorio Grigolo et Roman Burdenko, trois artistes auxquels il fallait adjoindre un chef à la hauteur de l’événement, et une mise en scène aussi historique que pertinente et efficace.

 

À Vérone, le ténor et le baryton sont de retour et une autre superstar succède à la Diva canadienne.
Le rôle est ardu et peu nombreuses sont les sopranos qui parviennent à incarner Floria Tosca avec une véritable authenticité. Sonya Yoncheva a, aujourd’hui, d’indéniables atouts : l’un des plus beaux timbres actuels et des graves profonds qui s’épanouissent bien plus naturellement que ceux d’Anna Netrebko, autre immense titulaire du rôle.

 

Elle dispose, par ailleurs, d’un sens théâtral qui lui permet, au-delà de ses postures de Diva, de donner, pleinement corps au caractère de Tosca. Certes, probable conséquence d’un début de carrière peu prudent, les aigus sont, désormais, marqués d’un vibrato qu’elle ne manque pas, néanmoins, d’exploiter parfois à bon escient, et, qu’en contrepartie d’une profonde appropriation du personnage, il lui arrive de verser dans des attitudes de scène très « véristes ».

Mais ces effets se défendent parfaitement dans Tosca, tant dans son acte II que lors de la fin de l’acte III, des actes que Puccini (à l’instar de Victorien Sardou qui avait « sa » Sarah Bernhardt) avait transformé en véritables jeux du cirque. Ainsi, Yoncheva joue-t-elle du spectaculaire lors de la sortie de scène de Tosca, après sa première confrontation avec Scarpia, alors qu’elle le toise telle une Reine. Ce sera également le cas lorsqu’au moment de le poignarder, on la retrouve d’abord presque aguicheuse, anticipant une scène de crime d’une intensité telle qu’elle en sortira haletante, avec des sanglots dans la voix.
Dès son « Mario ! Mario ! » de l’acte I, la voix s’impose, par une intensité immédiate, tel un vecteur d’émotion pure, et traduit alors, avec force, le volontarisme d’une femme dont le destin ne peut qu’être tragique. Sa voix, riche en harmoniques, jamais monolithique, l’autorise à de multiples variations et couleurs. Ainsi, Son « Quanto ! Il prezzo ! », petite phrase, à laquelle peu de sopranos parviennent à donner véritablement le ton de révolte et de défi nécessaire, est quasi « callassien ».

 

Son Vissi d’arte, est d’une intensité remarquable car, dans une remarquable progression, elle réussit à traduire, en ces quelques minutes, la palette des sentiments qui assaillent alors la femme qu’elle incarne. Elle aborde l’air sur un ton empreint de résignation, puis la voix s’ouvre, les aigus suppliants s’effacent devant des graves qui traduisent alors les désillusions de la femme inquiète. En fin d’air, la voix quasi larmoyante déborde d’émotion grâce à ce vibrato, vecteur d’une émotion brute et intense. 

Lors de la scène où elle tue Scarpia, elle aura à nouveau recours à cette même puissance dramatique. Ce passage est d’une extrême difficulté, car au déchaînement vocal, il ne faut pas hésiter à tomber dans l’excès en termes de jeu, ce qu’elle fait parfaitement avec ce « Muori » prononcé dans un sanglot rageur. Les passages parlés (« E avanti a lui tremava tutta Roma ») de la fin de l’acte sont d’autant plus pathétiques qu’ils s’appuient sur des graves impressionnants. Enfin, elle renouvellera ce petit miracle lors de la scène finale, où son jeu de scène et sa voix s’accordent pour une scène aussi extrême que bouleversante.

 

Comment caractériser Vittorio Grigolo autrement qu’en disant… qu’il est et reste Vittorio Grigolo ! Plus que jamais, il joue dans la cour des grands ; il est de ceux qui sont immédiatement reconnaissables, tant à l’oreille, par son timbre d’or, que par certaines attitudes de scène parfois à la limite de la caricature. Tel qu’en lui-même depuis des années, il semble parfois se fondre, par ses postures, dans une identité de « ténor à l’ancienne » ; mais, soudainement, il est également capable, par un instinct de scène, de trouver une attitude ou un accent idéal. Son chant peut, tout à tour, aussi bien, afficher un legato parfait que donner à entendre de brusques coups de souffle où le ténor s’élève subitement sur la pointe des pieds, pour mieux projeter la voix.

 

Il n’empêche que si ses côtés excessifs peuvent en agacer plus d’un (souvent d’ailleurs ceux qui ne vont pas le voir sur scène et restent bloqués sur quelques vidéos de saluts très théâtrales), ils sont aussi, pourtant, ceux qui subjuguent une autre partie du public, celle qui – et c’est compréhensible – adore son côté « grand enfant », avec cette fragilité toujours perceptible. Sans prétendre entrer dans une interprétation psychologique, dans la façon qu’a Grigolo de se tourner vers le public, il semble y avoir une évidente demande d’amour. 
Cela étant, ce soir-là, à Vérone, la projection de sa voix était impressionnante et, au fil de la soirée, alors qu’il prenait progressivement confiance, son jeu apparaissait de plus en plus naturel.

Si, comme à Berlin, son « Recondita armonia » apparaît encore comme un air de concert exécuté face au public, Grigolo retrouve une attitude plus naturelle lorsqu’au premier acte, il est rejoint par Yoncheva, puis, au second acte, maltraité par les sbires de Scarpia. Contrairement à ce qu’il faisait à Berlin où il était d’emblée provocateur, dans cette scène, il apparaît d’abord plus apeuré et soumis, ce qui montre la capacité de l’artiste à ne pas se laisser enfermer dans une seule approche de ses personnages.
Pour Grigolo, « E lucevan les stelle » est un morceau de choix, presque un marqueur d’identité, dans lequel il peut faire preuve de ses talents de ténor italien, en phase avec ce répertoire. C’est ainsi que, théâtralement, il va commencer l’air, avec la plus belle des sobriétés, le regard tourné vers le ciel, portant vers les « stelle » du ciel de Vérone, ciselant avec une lenteur extrême, les premières phrases, puis, les étirant en s’appuyant sur son médium.
Il finira l’air, de manière très expressionniste, d’une voix quasi-tremblante, ce qui provoquera un immense effet sur un public qui, sans succès, lui demandera un bis. Le duo final avec Yoncheva atteindra, ensuite, des sommets.

 

Comme ce fut le cas à Berlin, Roman Burdenko s’affirme comme un Scarpia solide. Il jouit d’une belle autorité naturelle et d’une forme de puissance qui ne réside jamais dans la violence. En quelque sorte, Burdenko fait de Scarpia un homme ordinaire, grisé par la puissance que lui donne son statut, mais qui, contrairement à d’autres interprètes du rôle, n’abuse pas du côté maléfique du personnage. La voix est paradoxale : si elle n’est pas particulièrement riche, la projection, remarquable, lui permet, sans problèmes, de dominer l’orchestre dans le Te Deum.
Ses attitudes, parfois, sont surprenantes, comme lorsqu’il se montre presque paternel au moment de tendre à Tosca l’éventail de l’Attavanti. Et ce sont les pures scènes de violence (mais la direction d’acteur de De Ana n’y est sûrement pas pour rien) qui le montrent le moins pertinent. Quoi qu’il en soit, son Scarpia reste de très haut niveau.

 

À ces trois artistes qui ont porté la représentation à bout de bras, il faut ajouter quelques seconds rôles de qualité tel le Spoleta de Carlo Bosi, qui a, aussi bien par ses attitudes que par sa voix, transmis la malfaisance du personnage, ainsi que le chœur, celui de la Fondation des Arènes de Vérone brillamment dirigé par Roberto Gabbiani.

 

À la mise en scène, Hugo de Ana réitère toujours les mêmes défauts, notamment par sa propension à meubler la scène d’éléments ou de gestuelles inutiles, qui n’aident guère à resserrer l’action sur les trois protagonistes. Dès le début, pour des raisons probablement pratiques, apparaissent déjà les gigantesques tête et bras de l’Archange Gabriel (normalement dévolus à l’acte III), ce qui n’aide pas à soutenir la progression dramatique. Les seules belles trouvailles viendront lors du Te Deum, alors que la scène est envahie de fumée et que des ecclésiastiques, en grande pompe, surgissent du mur du fond. La scène finale où Tosca s’élève vers le ciel plutôt que de se jeter dans le vide, est également assez réussie.

Totalement, insipide en première partie, avec quelques beaux moments en deuxième et troisième parties, la direction de Francesco Ivan Ciampa contrevient très souvent à la tension, qui, si elle est contenue dans la musique, doit aussi être soutenue par l’orchestre. Le chef n’aide guère les chanteurs qui, par moments, en raison d’une lenteur excessive, apparaissent comme laissés à eux-mêmes.
Il en découle des changements de rythme inhabituels, même si, dans le cas de Grigolo, ils sont parfois aussi de son fait. C’est dans le Te Deum, au moment où il convoque toute la puissance de l’orchestre, et au début de l’acte III, quand il étire les tempi et joue des cordes, que l’on trouvera le chef mieux inspiré.

 

Ce soir, nous avions deux artistes qui, d’une part, semblent bien s’entendre à la ville, et qui, d’autre part, sont en symbiose lorsqu’ils sont en scène. Ils nous ont donné du théâtre, au plus beau sens du terme, avec tous ses artifices. On aurait, cependant aimé qu’ils puissent s’épanouir dans un écrin de scène et musical un peu plus gratifiant.

Visuels : © EnneviFoto