Alexander Neef directeur de l’OnP présentait la nouvelle saison à la presse ce mercredi matin : 29 spectacles différents, dont 19 productions lyriques seront à l’affiche, avec 372 levers de rideau. Une saison aux ambitions soigneusement canalisées et qui offre une belle part au répertoire français.
Au vu des nécessaires remises à flot d’une maison durement touchée par les arrêts COVID durant de longs mois, il est sans doute sage de ne rien brusquer et de rester dans des rails sûrs. Le slogan « Aimons, dansons, chantons » symbolise d’ailleurs cette simplicité volontaire. Et ne doutons pas que les mélomanes trouveront à rêver au milieu des quelques nouvelles productions et des multiples reprises de mises en scène parfois très anciennes.
Et pour les nouvelles productions, Alexander Neef et son équipe ont choisi le répertoire français.
La première des nouveautés sera un Offenbach peu joué dans nos contrées, Les Brigands, mis en scène par Barrie Kosky ce qui un gage évident d’intérêt, tant le directeur du Komische Oper de Berlin, connait son Offenbach sur le bout des doigts et en partage d’ailleurs l’humour et la joie de vivre. Deux séries de représentations seront données en septembre-octobre puis en juin-juillet.
Nous plongerons ensuite au cœur du baroque français avec la belle partition du Castor et Pollux de Jean-Philippe Rameau. La grande salle de Bastille avait accueilli sous Lissner une superbe représentation des Indes Galantes. Cette fois, c’est à Garnier (ce qui sied mieux au baroque) que l’histoire de ces deux frères sera mise en scène par Sellars, réalisateur inégal. Il rêvait de mettre en scène un Rameau. On verra ce que cela donne. Le plus excitant sera sans nul doute la direction musicale de Teodor Currentzis qui bousculera probablement certaines règles d’autant plus qu’il sera à la direction de son orchestre Utopia, qu’il a fondé fin 2022.
Belle distribution pour le répertoire baroque à Garnier avec Jeanine De Bique, Stéphanie d’Oustrac, Reinoud Van Mechelen et Marc Mauillon.
Nous resterons dans le répertoire français en changeant d’époque avec l’un des fleurons du XXe siècle, Le chef d’œuvre de Debussy (et Maeterlinck), Pelléas et Mélisande pour lequel une nouvelle mise en scène de Wajdi Mouawad (Œdipe en 2021 à Bastille), remplacera celle de Robert Wilson. Outre la direction musicale de Manacorda (référence), nous aurons une belle distribution avec le très musical baryton Huw Montaghe Rendall en Pelléas, Sabine Devieilhe en Mélisande, mais aussi Sophie Koch en Geneviève et Jean Teitgen en Arkel, deux valeurs sûres.
Hors répertoire français, un seul opéra italien, de Puccini, le fameux Trittico, sera sans doute l’un des clous de la saison en avril et mai 2025 : la mise en scène de Cristof Loy n’est pas nouvelle puisque c’est celle du festival d’été de Salzbourg 2022, mais ce sera l’occasion de bénéficier aussi de la brillante distribution comprenant notamment Asmik Grigorian, la soprano très attendue sur la scène parisienne, qui assurera les rôles féminins des trois opéras du triptyque. Et comme à Salzbourg, l’ordre sera modifié – Il Tabarro, Gianni Schichi puis Suor Angelica- pour terminer par l’opus le plus émouvant, celui qui donne ses plus grandes lettres de noblesse à son interprète. Carlo Rizzi dirigera l’œuvre ce qui conférera un supplément d’authenticité puccinienne bienvenue !
Une création seulement pour cette saison assez convenue : la coproduction avec le festival d’Aix de Il Viaggo, Dante de Pascal Dusapin, opéra inspiré de la Divine Comédie, qui prendra place au printemps, au palais Garnier.
L’Opéra de Paris proposera également dans un lieu plus intime – l’amphithéâtre Olivier Messiaen – un petit opus rare de Joseph Haydn, l’Isola Disabitata, qui permettra aux artistes de l’Académie de se produire.
Les grandes ambitions sont provisoirement remisées dans les placards, le Ring programmé par son prédécesseur Stéphane Lissner en quatre épisodes et deux cycles sur deux demi-saisons, sera repris sur un calendrier beaucoup plus étalé, et d’une manière générale, cette troisième saison d’Alexander Neef se concentre sur des œuvres connues qui remplissent les salles plutôt que sur des paris audacieux qui coûtent de l’argent.
L’Or du Rhin, prologue de la tétralogie était presque prêt quand le COVID a fermé toutes les salles. La mise en scène de Calixto Bieito était achevée pour l’ensemble des journées du Ring, les décors montés, une conférence de presse avait annoncé au studio Bastille, l’événement que représentait cette tétralogie en particulier pour Philippe Jordan qui la dirigeait et achèverait ainsi son mandat en fanfare. L’ensemble des distributions était annoncé, le Ring se déroulait sur 6 mois et s’achevait par deux cycles. Rien de tout cela n’a pu avoir lieu, Philippe Jordan a dû se résoudre après maintes péripéties à une simple version concert en quatre soirées sans public, retransmis heureusement par France Musique.
Alexander Neef propose son propre calendrier pour réaliser enfin ce Ring sur scène : l’Or du Rhin cette saison, Die Walküre et Siegfried la saison prochaine, le Crépuscule des Dieux et deux reprises en cycle de l’ensemble à l’automne 2026 pour le 150ème anniversaire de la Tétralogie.
On ne connait cette fois que la distribution de l’or du Rhin et si l’on peut supposer une continuité sur les rôles de Wotan (avec la prise de rôle très attendue de Ludovic Tézier), Friecka (Eve-Maud Hubeaux, Mime (Gehard Siegel), Albérich (Brian Mulligan), il reste quand même beaucoup d’inconnu. Gustav Dudamel aurait dû diriger ce Ring. Suite à sa démission surprise, le mistigri revient au chef d’orchestre espagnol Pablo Heras-Casado, qui a dirigé un Parsifal remarqué à Bayreuth sans être pour le moment particulièrement connu dans Wagner.
Les reprises puisent pour partie dans un répertoire où le succès public est assuré du fait de la notoriété des œuvres, pour partie dans la recherche d’œuvres plus rares mais dont les mises en scène ont connu un relatif succès.
Dans la première catégorie, on trouvera dès septembre du Puccini, avec la reprise de Madame Butterfly et la mise en scène de Robert Wilson qui a droit presque tous les ans depuis des lustres, à une série de représentations. On regrette cependant que les distributions soient assez génériques.
Verdi est également à l’honneur avec trois titres célèbres, à commencer par le Falstaff mis en scène par Pitoiset qui a déjà fait l’objet de nombreuses reprises. Cette fois Ambroglio Maestri assurera le rôle-titre.
Reprise également de la version française de Don Carlos mis en scène par Warlikowski qui avait été l’un des fleurons de la saison 2017-18 avec sa brillante distribution d’alors. Cette fois, c’est Charles Castronovo qui sera l’infant malheureux, Marina Rebeka lui donnera la réplique en Élisabeth, tandis que le baryton Andrzej Filończyk qui était l’un des députés flamands en 2017, sera cette fois, Don Rodrigue, Marquis de la Posa, le tout sous la direction de Simone Young.
Enfin Rigoletto reviendra également dans la mise en scène de Claus Guth, et sous la direction musicale de Domingo Hindoyan, puis de Andrea Battestoni, en deux séries de représentations, l’une en décembre, l’autre en mai et deux distributions différentes.
Deux opéras du répertoire français du XIXe siècle feront également l’objet de reprises avec stars, dans des mises en scène récentes comme celle de Tobias Kratzer pour le Faust de Gounod, avec Pene Pati et Amina Edris et celle de Vincent Huguet pour le Manon de Massenet qui offrira, sous la direction de Pierre Dumoussaud, deux distributions en Mai et juin pour clore la saison : Nadine Sierra et Amina Edris d’une part, Benjamin Bernheim et Roberto Alagna d’autre part (une seule date, celle du 9 juin, permet de voir Bernheim et Edris ensemble).
Une reprise de la célèbre mise en scène de Laurent Pelly pour La Fille du Régiment de Donizetti complètera l’offre, avec Julie Fuchs et Lawrence Brownlee.
C’est le ténor Levy Sekgapane qui sera à l’affiche de la reprise du Barbier de Séville dans la mise en scène presque classique désormais (et très ludique) de Damiano Michieletto, aux côtés du Figaro de Mattia Olivieri et du retour pour quelques dates de la Rosine très appréciée d’Aigul Akhmetshina.
Outre ce Barbier de Séville à succès, le bel canto sera également illustré par une reprise des Puritains dans une mise en scène très discutable de Laurent Pelly qui verra s’illustrer à nouveau Lawrence Brownlee aux côtés de la toujours très attendue Lisette Oropesa.
Enfin, dans le plus rare et plus moderne, deux titres seront proposés sur des mises en scène assez anciennes : La Petite Renarde Rusée, très bel opus de Leoš Janáček, dans la production de André Engel créée en 2008 à Bastille, et qui verra dans le rôle-titre, la meilleure interprète actuelle, Elena Tsallagova, déjà présente pour la création, et The Rake’s Progress de Stravinski dans la mise en scène d’Olivier Py.
Quatre récitals chant prestigieux seront proposés au Palais Garnier : Benjamin Bernheim le 24 novembre, Renée Fleming le 9 mars, Elina Garanca le 19 mai et Natalie Dessay le 30 mars ainsi qu’un gala anniversaire de prestige, en janvier, fêtant les 150 ans du Palais Garnier, avec Ludovic Tézier et Lisette Oropesa.
De nombreuses autres manifestations, telles les concerts et récitals de l’amphithéâtre, viendront compléter cette offre.
Une saison qu’Alexander Neef, reconduit pour un nouveau mandat jusqu’en 2033, veut équilibrée sur le plan financier et susceptible de voir revenir massivement le public comme ce fut le cas pour les reprises des blockbusters de l’opéra durant la saison passée. Un gage de recettes importantes et une sécurité pour l’avenir de la maison qui devra durant l’année 2027, assurer de nombreux travaux dans ses deux salles.
En contrepartie, le mélomane regrettera de se voir proposer des titres souvent rebattus quand d’autres maisons savent se lancer de manière audacieuse dans un répertoire passionnant et plus difficile.
Enfin soulignons que l’initiative d’Alexander Neef de mettre en place une « troupe lyrique » se poursuit lors de la nouvelle saison, avec 8 artistes qui assureront 34 rôles dans 15 œuvres différentes.
Le programme chorégraphique de la saison 2024-2025 a été présenté par José Martinez avec trois entrées au répertoire : IMPASSE de Johan Inger — sur des musiques d’Ibrahim Maalouf et Amos Ben-Tal —, Continuo d’Anthony Tudor et Sylvia de Manuel Legris.
Trois créations seront également au programme. William Forsythe donnera son nouveau ballet, Rearray. Sharon Eyal, chorégraphe Israélienne, présentera l’une de ses pièces avec chaussons à pointe, spécialement destinée aux danseurs de la compagnie de l’Opéra de Paris. Hofesh Shechter enfin, sera le chorégraphe d’une soirée complète « dans une ambiance sombre de cabaret noir » pour terminer la saison.
Saison 2024-25 de l’Opéra de Paris