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Une chorégraphie de Thomas Lebrun vivifie le premier opéra de Bizet

par La redaction
06.10.2023

Georges Bizet n’a pas composé que Carmen. Le Théâtre du Capitole à Toulouse vient d’ouvrir sa saison avec Les pêcheurs de perle, œuvre de jeunesse. Un succès, brillamment servi par l’inaltérable fraîcheur d’esprit du chorégraphe Thomas Lebrun à la mise en scène.

 

Par Gérard Mayen

 

 

 

 

Ah ! Ce Thomas Lebrun… C’est une relation toute tordue que l’auteur des présentes lignes – en tant que critique de danse – entretient avec l’œuvre de ce chorégraphe. Dans toutes les pièces de Thomas Lebrun transparaît la conviction – au reste, généralement dominante – que la danse se doit d’être toujours irréprochable, superbement écrite, en même temps que tout à fait plaisante. Dans son cas, cela passe le plus souvent par l’humour (mais c’est annexe). Or l’auteur des présentes lignes ne partage pas cette conviction. La danse ne pourrait-elle pas commencer par critiquer ses propres certitudes d’excellence, pour se charger tout autant de la douleur, et pourquoi pas la laideur du monde ? Cela ne passerait-il pas par des formes qui déroutent, dérangent, voire irritent ?

 

Les conceptions qui fondent l’art de Thomas Lebrun sont donc de celles qui, habituellement, inspirent à « l’auteur des présentes lignes » de rester indifférent – voir de les combattre si la mauvaise foi s’en mêle, dans certains cas mais pas celui-ci – à l’égard des chorégraphes qui entretiennent pareilles conceptions. Mais alors, ce Thomas Lebrun ! « L’auteur des présentes lignes » – encore lui… – est bien obligé de considérer qu’à plusieurs reprises, des pièces de Thomas Lebrun l’ont néanmoins touché. C’est têtu. Un hiatus se produit entre les conceptions, et leurs effets. Aimer ce qu’on ne devrait pas (logiquement) aimer… Voilà qui est plutôt excitant pour le questionnement.

 

Un double événement dans l’actualité vient d’inspirer d’y retourner voir. On parle ici de l’actualité de Thomas Lebrun. D’une part, vient de paraître l’ouvrage Thomas Lebrun – Composition savante et culture populaire en danse contemporaine (et vlan!). Celà dans la collection L’univers d’un chorégraphe, aux éditions Riveneuve. C’est un travail fouillé, principalement alimenté par le critique de danse Philippe Verrièle. Lequel campe sur un versant théorique tout opposé à celui de « l’auteur des présentes lignes ». 

 

Si bien qu’à la lecture de l’ouvrage, « l’auteur des présentes lignes » s’est inquiété de ce qui lui paraît un raccourci fâcheux : l’humour, puisque Thomas Lebrun le pratique tant, ne s’opposerait à l’écriture savante que dans l’esprit chagrin d’un secteur de la danse, arc-bouté sur le quant-à-soi de la respectabilité institutionnelle et l’astreinte à tout enfermer dans des catégories sérieuses. Oui mais au fil des pages, la notion d’humour n’est jamais réellement questionnée, jamais déconstruite – mais oui ! – pas plus que celle de qualité de composition de la danse. De sorte que l’argument du « populaire », abondamment agité, finit par frôler la complaisance populiste. Tout cela n’en mérite pas moins d’être lu, car bien référencé. 

 

L’autre actualité de Thomas Lebrun est l’invitation qui lui a été faite d’ouvrir la saison lyrique du Capitole à Toulouse, en signant la chorégraphie, mais aussi la mise en scène des Pêcheurs de perles. La connaissance qu’on a du compositeur Georges Bizet est généralement écrasée par la notoriété de son opéra Carmen. Or, une douzaine d’années auparavant, à peine âgé de vingt-quatre ans (!), le compositeur signait cet autre opéra ; de jeunesse. Quant à Thomas Lebrun, c’est la seconde fois seulement qu’il descend dans l’arène lyrique. De quoi exciter la curiosité. Et c’est un succès.

 

L’intrigue des Pêcheurs de perles est toute opératiquement conventionnelle, tissant un amour impossible sur fond de pacte d’amitié trahie, sous le regard tout-puissant des tenants du pouvoir et de la religion. Le piquant est que cela se déroule dans un Orient totalement fantasmé, pour ne pas dire frappadingue, d’esprit occidental au fond, dans un milieu de pêcheurs de perle, sur l’île de Ceylan. Qu’il en aille des paysages, des costumes, ou des rituels religieux, cela scintille d’effets décoratifs, que ne bouderait pas aujourd’hui la traduction de Bollywood.

 

En toute conception contemporaine de la mise en scène, la perche critique serait à saisir, pour une approche décoloniale de cette affaire tarabiscotée. Mais on a compris que là n’est pas le genre de la maison Lebrun. Le chorégraphe s’en tient sagement à un suivi scénique des péripéties narratives. Il ne faut pas attendre de lui ce qu’il ne peut, ne sait, ou surtout sans doute, ne veut donner. La déconstruction sociale et politique n’est pas de son acabit.

 

Pour autant, il ne démérite en rien. Des acclamations enthousiastes saluent les représentations toulousaines. Car le parti de Thomas Lebrun est parfaitement cohérent avec l’écriture originale de la pièce : la composition musicale de Georges Bizet est un théâtre en soi. La mélodie, jamais alanguie, y est toute d’actions. Thomas Lebrun rend grand service à la maison Capitole en sachant glisser les puissances du savoir chorégraphique au cœur même du mouvement de l’action. Cela se sent dès la conduite des entrées en scènes, palpitantes, dans les grands déplacements choraux – par exemple la veulerie grondante d’une foule en quête de victime expiatoire. Relevons ce détail qui n’est pas mince, que le plateau du Capitole est très réduit, pour faire respirer de grands effectifs ; cela corse le tout.

 

Du point de vue purement chorégraphique, Lebrun brode, à sa façon, des élucubrations à base de gestuelles calligraphiques, de type indien, bras ondulants sur articulations angulaires. Il bouffonne un peu queer en érotisant l’effectif masculin du ballet, surchargé de broderies, bijoux et bermudas-tutus, vite enclin à chalouper du popotin. En revanche, les hantises de la mémoire s’incarnent en gracieuses traversées fantomatiques sur pointes. On ne s’ennuie pas, quand un french-cancan incongru relève encore les jambes.

 

Tous les traits d’ironie n’entachent en rien la portée brillante du jeu d’acteur.ices d’un quatuor de chanteur.ses (Anne-Catherine Gillet, Mathias Vidal, Alexandre Duhamel, Jean-Fernand Setti), dont les personnalités physiques, morales – en même temps que chantantes, c’est bien l’essentiel – sont traitées dans l’acuité de fortes singularités. Ici, la conception du ballet d’opéra n’est plus du tout celle de l’intermède divertissant, ni du dérivatif illustratif, mais du souffle général dramaturgique. Au point culminant du dialogue résolutoire entre l’héroïne et le potentiel bourreau menaçant de faire exécuter l’amant, tous deux, hissé.es chacun.e sur son podium, tanguent dans un étourdissement corporel des tourments.

 

La musique superbement conduite par le chef invité Victorien Vanoosten, et les décors et costumes, qu’on pourrait qualifier de déchaînés, finissent d’emballer le tout. Un lapsus de clavier vient de nous faire écrire d’abord « emballet », au lieu d’ »emballer ». Et c’est assez juste. Thomas Lebrun n’a jamais prétendu polir un diamant avant-gardiste. Du moins sait-il enfiler de superbes colliers de perles.

 

 

Jusqu’au 8 octobre à l’Opéra National Capitole Toulouse
Informations et réservations
Visuel : © Mirco Magliocca