Dans le cadre de la Biennale d’art flamenco qui dure jusqu’au 11 février, le Théâtre national de la Danse – Palais de Chaillot présente la nouvelle production de David Coria. Visuellement superbes, physiquement impressionnantes, ces « danses volées » (Bailes Robados) sont mystiques et envoûtantes. Un choc !
Cette nouvelle pièce du chorégraphe andalou, David Coria – souvent présenté comme la relève chorégraphique du flamenco – étonne visuellement dès le début. Les cinq danseurs sont entremêlés comme une grande bête sous une lumière oblique et dorée jusqu’à avoir des reflets verts. Autour, tout est sombre. Dès la première image, tout est dit, le chant mystique d’Isidora O’Ryan accompagne les mouvements communs et petits du groupe. Puis les pieds tapent : olé, le coup d’envoi est donné.
Pendant près d’une heure trente, les corps des trois musiciens et des cinq danseurs – Aitana Rousseau, Ivan Orellana, Florencia Oz, Marta Gálvez et David Coria lui-même – sont lancés. Les pieds virevoltent, tapent, et les bras sont tendus autant vers le ciel que vers l’avant. Mais les coudes remontent également près du visage, comme dans une mimique animale et grimaçante. L’énergie déployée est éblouissante. À temps, les corps des artistes ont quelque chose des ménines de Velasquez. Mais, y compris pour les musiciens, on a l’impression que leur puissance puise sa source à des temps bien plus anciens. Certaines traditions demeurent : les percussions dans les mains des danseurs, le corps comme grand tambour palpitant et les moments de bravoure, notamment deux séquences impressionnantes, l’une avec un bâton et l’autre seul, de David Coria dont le corps dialogue avec le violoncelle d’Isidora O’Ryan et le chant extraordinaire de David Lagos. Les costumes sont sublimes, noirs, puis noirs et chair, reflétant cette lumière dorée obsessionnelle. Et il y a des tours de danse et de chant qui donnent lieu à des félicitations au cours du spectacle.
Le souffle quasiment mystique du saxophoniste et une herse de pics dorés tombant du ciel et formant un temple marquent deux temps très rituels dans la matière si physique et généreuse de cette chorégraphie. Une des danseuses nous le dit en français : la danse a mauvaise réputation, il est sacrilège et criminel de la voler. C’est cette cérémonie-là, prométhéenne, qui se joue devant nos yeux. Un troisième temps apparaît, avec d’autres costumes et des rondes mythologiques dans le temple désormais consacré par le flamenco et la voix pythique de la chanteuse. Les huit artistes emmènent leur public aux confins d’une cérémonie secrète qui se termine sur des convulsions mystiques.
Un spectacle que le public de Chaillot a salué debout et qui se joue deux fois quasiment d’affilée le mercredi 31 janvier. Ce qui nous laisse encore plus admiratifs de l’explosion d’énergie que peuvent communiquer les danseurs et les musiciens.
Visuel : © Ana Palma