Dans la cour de l’Archevêché d’Uzès — entendez : la mini cour d’honneur du festival La Maison Danse —, nous retrouvons trois des interprètes de D’après une histoire vraie : Filipe Lourenço à la chorégraphie, et Kerem Gelebek et Youness Aboulakoul au mouvement ; un duo augmenté d’un autre : deux musiciens, François Caffenne et Nuri. Cette dream team nous a littéralement envoûté·e·s dans un geste martelé du bassin aux pieds.
Chez Filipe Lourenço, le bassin est le point de départ. Depuis qu’il est devenu essentiellement chorégraphe, il questionne la masculinité dans les danses méditerranéennes. C’était le cas dans le génial Pulse(s), où il devenait une toupie, comme dans Gouâl, où se lâcher la main pouvait s’avérer dangereux. Dans cette version in situ de Cheb, en plein air, il nous montre un quatuor super bien habillé, tout en noir et en belles matières : il y a de la transparence, de la paillette, des pantalons bien coupés et bien portés par les deux immenses interprètes que sont Kerem Gelebek et Youness Aboulakoul. Nous les avions laissés la veille en pleine retrouvaille chez Rizzo, pour la reprise de D’après une histoire vraie, et les voici chorégraphiés par leur compagnon de plateau.
Ça commence par une oscillation du bassin, légère, puis par une ondulation qui part du bassin encore, pour remonter jusqu’aux épaules — mais attention, il ne faudrait pas les faire bouger maintenant.
De part et d’autre de la scène, se faisant face, la batterie et la machine balancent un petit rythme efficace qui vous pénètre l’échine sans crier gare. Et puis, Kerem et Youness font ce qu’ils savent tous les deux si bien faire : danser sans que cela ne semble difficile, se déplacer dans des quarts et demi-diagonales à toute allure, et surtout, surtout, descendre leur centre névralgique dans les jambes qui se plient pour accompagner un saut qui retombera dans une autre direction.
La chorégraphie devient alors un mash-up réussi des danses orientales avec les pas du jumpstyle, sans aller ni jusqu’à l’un, ni jusqu’à l’autre — dans un entre-deux qui incarne les carrefours d’identités chorégraphiques de Filipe Lourenço.
Leur danse est hypnotique, où la musique semble posséder les pas. Le résultat est une transe de plus en plus rapide, enivrante. L’écriture de Lourenço est très ancrée dans les esthétiques contemporaines. Il adore les belles lignes et les mouvements répétitifs. Il réussit à abolir les courbes et les volutes des hanches pour en faire des manifestes de structures obsédantes.
Le résultat est tout simplement d’une beauté à couper le souffle.
À noter, Felipe Lourenço présente sa toute dernière création Amazigh in situ aux RCI du 12 au 15 juin. Informations et réservations.
Visuel : © Sandy Korzekwa