La foule des grands soirs s’était pressée à l’Arena de la Porte de Bercy. La salle affichait complet, vibrante d’une impatience palpable. Dès la première partie assurée par Ella Henderson, on sentait que le public était venu pour vivre un événement majeur. Et il allait être servi au-delà de toute espérance. Dans toutes les mémoires, le souvenir du concert exceptionnel à l’Olympia le 2 mars 2020, qui avait failli être annulé en raison des premières mesures sanitaires liées au Covid. Quinze jours plus tard, la France entrait en confinement. Mais ce soir-là, tout le monde était venu pour vibrer. Et le meilleur groupe de pop-rock actuel allait leur en donner l’occasion.
Fondé en 2003 à Colorado Springs dans le Colorado, OneRepublic réunit l’auteur-compositeur-interprète Ryan Tedder au chant, les guitaristes Zach Filkins et Drew Brown, le claviériste Brian Willett, Brent Kutzle à la basse et au violoncelle, et Eddie Fisher à la batterie.
Les débuts furent laborieux. Il fallut attendre 2007 et la sortie de leur premier album « Dreaming Out Loud » pour voir décoller la machine. « Apologize », extrait de ce disque, devint un phénomène planétaire et décrocha une nomination aux Grammy Awards. L’année suivante, « Stop and Stare » confirmait l’éclosion du groupe.
Leur troisième album, « Native », malgré un démarrage poussif hors des États-Unis, finit d’asseoir leur stature internationale avec plus de 3 millions d’albums et près de 23 millions de singles écoulés dans le monde. À ce jour, ils totalisent six albums studio.
Ryan Tedder est l’arme secrète du combo. Son talent de compositeur sort des sentiers battus. Fervent admirateur des groupes britanniques, les Beatles, The Verve, Oasis dont il reprend régulièrement les morceaux, il a développé un style unique, pont entre l’Amérique et l’Angleterre. De nombreux artistes ont fait appel à son génie créatif: Beyoncé (« Halo »), Leona Lewis (« Bleeding love »), Taylor Swift (« I know places »), Adèle (« Remedy ») et bien d’autres. Mais ce qui domine chez lui, c’est cette alchimie rare entre énergie brute et émotion authentique.
Après un ultime morceau d’attente, « Don’t look back in Anger » d’Oasis repris en chœur par le public, le groupe débarque sur l’introduction de « Born ». Immédiatement, la déflagration : « Feel Again » en version courte, accompagné d’une pluie de confettis bleu ciel et blanc du plus bel effet. La salle explose devant un OneRepublic au sommet de sa forme.
Sur scène, une estrade habillée d’écrans accueille la section rythmique, batterie, basse/contrebasse et claviers – rejointe par l’excellent violoniste Ashley Clark. À l’avant-scène, les deux guitaristes encadrent Ryan qui ne tient pas en place, bondissant et courant d’un bout à l’autre du plateau. Derrière eux, un écran géant projette tantôt des vidéos, tantôt les musiciens en direct. Rien de tapageur, tout en élégance. Les ingénieurs du son accomplissent un travail remarquable avec une balance parfaite.
S’enchaînent alors « Kids » et « Good life » sans temps mort, avant que Ryan ne s’adresse au public dans un français approximatif mais touchant qui fait mouche. Son contact est chaleureux, son humour contagieux. Et c’est reparti avec « RUNAWAY » de l’album éponyme, suivi de l’instrumental Chillstep « Singapore », porté par Brent à la contrebasse et Ashley au violon, sur fond de vidéo retraçant les tournées mondiales du groupe, Paris comprise. Une ambiance très Beatles période « Help ! »
Ryan enchaîne les tubes, sa voix magnifique s’élevant dans les aigus avec une facilité déconcertante sur « Stop and Stare », dont il souligne l’importance dans l’histoire du groupe.
Puis la scène plonge dans le noir. « Artificial Paradise » diffusé en playback annonce le coup de théâtre : le groupe ressurgit sur une scène satellite plantée au milieu de la fosse, pour un set acoustique qui rend la foule hystérique. Cerise sur le gâteau, Ryan s’installe au piano pour un medley de tubes composés pour d’autres artistes, dont les magistraux « Bleeding Love » (écrit pour Leona Lewis) et « Halo » (pour Beyoncé) qu’il interprète dans son intégralité.
De retour sur la scène centrale, le concert poursuit son rythme effréné avec, entre autres, un « Apologize » magistral et « I Need Your Love », nouveau morceau « testé » en avant-première devant nous.
Pour manifester son enthousiasme, le public entonne spontanément le refrain de « Seven Nation Army » des White Stripes, à la grande satisfaction du groupe.
Après une nouvelle vidéo émouvante où des fans du monde entier témoignent de ce que la musique de OneRepublic leur a apporté, Zach Filkins s’installe sur l’estrade pour une démonstration stupéfiante de guitare flamenco, construisant son accompagnement en direct sur une pédale de boucle. Magistral !
À son retour, Ryan explique qu’il n’aime pas le rituel des rappels et annonce que le groupe interprétera l’intégralité de la setlist d’une traite.
Comme un clin d’œil à la France qu’ils chérissent, le concert s’achève sur « I Don’t Wanna Wait », sorti en 2024 avec David Guetta, après deux heures quinze d’émotion pure.
Ultime surprise : alors que le public se lève pour partir, « Wonderwall » d’Oasis résonne dans l’enceinte. Contre toute attente, Ryan Tedder revient sur scène, micro en main, pour chanter en mode karaoké, repris en chœur par toute la salle.
Il existe de rares concerts où s’opère une communion totale entre l’artiste et son public, où chacun veut prouver à l’autre son amour et son respect. Celui-ci appartient sans conteste à cette catégorie. Ryan Tedder se hisse au rang des plus grands compositeurs et OneRepublic livre une prestation scénique inoubliable.
Un concert qui vaut dix séances chez le psy !
Photos: Yves Braka