Le 3 février 2025, le pianiste et compositeur français Lucas Debargue est de retour à la Philharmonie de Paris. Il interprète des œuvres de Gabriel Fauré, Ludwig van Beethoven et Frédéric Chopin.
Il a arrive sur scène, simplement, naturellement, dans son costume de velours violet. Un long moment de silence et de concentration précède les premières notes, toutes douces de la musique de Fauré. C’est très logiquement que le concert débute par les Préludes de Gabriel Fauré. Lucas Debargue a été fasciné « par la douce mélancolie et le raffinement harmonique de la musique de Fauré », il a enregistré l’année dernière l’intégrale de ses œuvres pour piano. Les préludes ont été composés en 1909-1910. Lucas Debargue traduit avec justesse, sensibilité, leur atmosphère un peu mystérieuse et rêveuse. Une musique marquée par le romantisme mais pimentée par quelques dissonances caractéristiques. L’auditeur remarquera le quatrième prélude, avec une note grave répétée qui sonne comme un glas mais porte une tendre mélodie. Le septième prélude est un nocturne très doux, très calme.
Thème et variations en ut dièse mineur a été écrit un peu plus tôt en 1895. Le thème est très simple, il se répète de manière opiniâtre, se fixant dans notre mémoire. Puis les variations se succèdent, alternant douceur romantique et vélocité. Certaines paraissent difficiles techniquement, en particulier la 10ème qui nécessite du pianiste énergie et virtuosité. On pense à une fin spectaculaire. Un bref silence et à la grande surprise du public se distille une mélodie très pure, très belle, comme une invitation à la transcendance.
La 27ème sonate de Beethoven, composée en 1814 est originale. Elle ne comporte que deux mouvements, elle est dédiée au comte Moritz Lichnowsky, en l’honneur de son mariage. Lucas Debargue met bien en relief les contrastes du premier mouvement. Brusques accords, avalanches de notes, rythmes heurtés mais aussi moments de tendresse : ce premier mouvement atypique, surprenant, illustre les tourments intérieurs du futur marié ou peut être ceux du compositeur? Il est en opposition totale avec le second, qui est une romance, une conversation intime aimable avec la bien aimée. La musique est très fluide, très chantante, un moment que l’auditeur appréciera beaucoup.
La sonate n°14 date de 1801. Elle a été dénommée « Au clair de lune » car le premier mouvement évoquait au poète allemand Ludwig Rellstab une promenade nocturne au bord du Lac des Quatre Cantons en Suisse. Lucas Debargue joue très lentement le célèbre Adagio Sostenuto initial. Le tempo très lent, l’importance donnée aux notes les plus graves en renforcent le coté sombre. Mais les arpèges, dans la voix médiane, apportent un apaisement, alors que se déploie à la main droite une mélodie très romantique. Oui l’auditeur peut imaginer une promenade dans une atmosphère nocturne. Elle est dissipée par le bref allegretto avant un presto final fougueux. La virtuosité du pianiste s’y exprime pleinement. Les notes s’emballent tel un cheval au galop. La passion s’exprime, la révolte aussi, peut être du fait de l’amour déçu du compositeur. Un final flamboyant qui va faire l’objet d’applaudissements nourris.
Lucas Debargue interprète le scherzo n°4 de Chopin, une œuvre bucolique, ludique, pleine de fantaisie. Mais c’est aussi une pièce à la virtuosité spectaculaire, un défi relevé par le pianiste. On remarquera, lors du trio central, une superbe mélodie, très pure, très émouvante avant la reprise de cette musique rapide, joyeuse, puissante.
La troisième ballade a été composée en 1840-1841. C’est une œuvre au charme poétique qui aurait été inspiré par l’Ondine du poète polonais Adam Mickiewicz. Une musique tendre, émouvante, très belle aussi, mais qui devient orageuse dans la deuxième partie, jusqu’à une fin exubérante. Lucas Debargue en accentue le caractère passionné, lui donnant une grande ampleur, lui conférant un souffle romantique puissant.
Mais il est aussi compositeur. Comme bis, il nous propose sa transcription d’Après un Rêve et « une paraphrase » pour piano du Cantique de Jean Racine de Gabriel Fauré, deux divines mélodies qu’il a adapté avec talent pour le piano. Mais le concert n’est pas terminé… Lucas Debargue nous offre en « super bis » sa création, la Suite en cinq parties. Une œuvre rythmée, entraînante, séduisante. Il nous la propose pour les dix ans du début de sa carrière, pour les dix ans de la Philharmonie, pour son bonheur de jouer « chez lui » dans la grande salle Pierre Boulez et …pour notre plus grand plaisir.
Visuel(c) : JMC