Le 6 et 7 novembre 2024, l’Orchestre de Paris, sous la direction de Klaus Mäkelä interprète le Requiem de Gabriel Fauré, Mort et transfiguration de Richard Strauss, l’Ascension d’Olivier Messiaen et Towards the Light de Thierry Escaich. Le chœur de l’Orchestre de Paris est dirigé par Richard Wilberforce.
Gabriel Fauré nous a quittés le 4 novembre 1924. Pour cet anniversaire, la Philharmonie a choisi son célèbre Requiem, un chef-d’œuvre de la musique vocale. Il est accompagné par deux œuvres de musique sacrée orchestrale, donnant une grande unité à ce concert. Towards the Light est un hommage, presqu’ une suite au Requiem de Fauré. Telle une marche des ténèbres vers la lumière, Thierry Escaich y développe le Lux Aeterna, très bref dans l’œuvre de Fauré.
Richard Strauss ( 1864- 1949) a composé Mort et transfiguration à l’âge de 24 ans. « Ce poème symphonique évoque les affres d’un artiste à l’agonie, étendu à la lueur d’une chandelle dans une chambre misérable ». L’orchestration est magnifique, avec l’importance donnée aux cuivres et ces grandes phrases musicales ascendantes, telles de puissantes vagues montantes. La musique est très expressive, interprétée avec beaucoup de sensibilité par Klaus Mäkelä. Dans le largo initial, elle exprime la faiblesse avec le murmure des cordes, la souffrance avec les cuivres, la douceur avec le duo de la harpe et des flûtes. Richard Strauss nous peint aussi la colère du malade révulsé par la mort, par les éclats presque chaotiques de l’orchestre. Mais le thème de la transfiguration, porté par les cuivres s’impose peu à peu. Une transfiguration qui deviendra glorieuse, conduisant à une sérénité retrouvée, une douceur finale marquée par le retour des harpes. C’est une œuvre très émouvante, d’une grande prémonition qui habitera le compositeur jusqu’à la fin de ses jours.
L’Ascension, composée par Olivier Messiaen en 1932-1933 est également une œuvre de jeunesse. Les quatre méditations symphoniques illustrent chacune une citation des écritures. Le très croyant Olivier Messiaen nous offre une longue prière orchestrale. Cette prière peut être une mélopée remplie de douceur et de quiétude confiée aux vents et aux cuivres. Elle peut être jubilatoire, remplie d’allégresse grâce aux trompettes, mais aussi aux accents très rythmés des violoncelles. La Prière du Christ montant vers son Père est une longue méditation très mélodieuse confiée cette fois aux cordes. La musique est éthérée, extatique, elle enveloppe l’auditoire, l’élevant vers un autre monde, surnaturel. Elle se termine par une longue note tenue, comme suspendue dans l’éternité …
L’arrivée des choristes du Chœur de l’Orchestre de Paris est impressionnante. Près de cent cinquante chanteurs s’installent sur la tribune, dominant l’orchestre. Le public pourra apprécier la puissance, le souffle vocal de ce chœur. Mais pour interpréter le Requiem de Fauré, cette « liturgie de douceur et de transparence », les choristes feront la preuve d’un grand sens de la nuance. L’auditeur pourra ainsi ressentir la douceur, la subtilité du chœur des femmes. Nous entendons ce soir la version 1900 du Requiem, celle interprétée par un orchestre symphonique au Palais du Trocadéro lors de l’exposition universelle. L’orchestre donne de la profondeur, de la gravité à l’Introït. L’offertoire débute par un très beau solo des violoncelles et altos, puis ils accompagnent les voix des femmes, dans un moment de réconfort, de consolation. Du haut de la tribune s’élève la chaude voix du baryton Jean Sébastien Bou, dans un très beau duo avec les cordes. Le Pie Jesu a été encensé par Camille Saint-Saëns, l’ancien professeur de Gabriel Fauré. Avec sa voix cristalline, la soprano Sarah Aristidou l’interprète avec nuances, subtilité. C’est une prière céleste, une musique divine, très émouvante. In Paradisum clôt superbement le requiem avec la suavité du chant des sopranos, le murmure des cordes évoquant des clochettes. Puis l’orchestre et le chœur laissent éclater leur joie. Le requiem se termine dans une grande sérénité, le maître mot de ce chef d’œuvre. Afin «que le chœur des anges te reçoive et que tu connaisses le repos éternel ». Car pour Fauré la mort était avant tout une délivrance.
Toward the Light de Thierry Escaich a été créé le 9 10 204 en la basilique Saint-Sernin de Toulouse. L’œuvre prolonge le Requiem de Faure. Les textes sont poétiques ou liturgiques, chantés en latin, en français, en anglais. Le compositeur a été inspiré par la mélodie du Lux Aeterna grégorien. L’orchestration est originale. Ce chemin des ténèbres vers la lumière est escarpé. Le chœur représente l’harmonie, l’orchestre est plus imprévisible, chaotique parfois. Les cordes frappées, les ruptures rythmiques, les dissonances évoquent les ténèbres. De cette union du chaos et de l’harmonie résulte une belle ambiance sonore. Une grande douceur émane du chœur lors du chant final «Lux Aeterna» , en écho au Requiem de Fauré.
Ce fut un beau concert. Ce soir la musique semblait ouvrir un chemin vers la spiritualité, une voix vers la transcendance. Comme le pensaient Strauss, Messiaen, Fauré, Escaich, comme ils l’auraient voulu…
Visuel(c): Philharmonie de Paris- Pierre Morel