Après avoir considérablement égratigné le mythe de la bourgeoisie créatrice de richesse dans Parasites, Nicolas Framont s’attaque dans son deuxième ouvrage au monde du travail.
Nicolas Framont indique dès l’introduction sa position d’observateur et de chercheur, puisqu’il travaille depuis 2019 comme expert et formateur pour les Comités sociaux et économiques (CSE). Son métier l’a conduit à visiter de nombreuses entreprises, à multiplier les entretiens, à comprendre différents métiers. Bref, Nicolas Framont sait de quoi il parle lorsqu’il évoque la souffrance au travail des Français et des Françaises, cette petite boule au ventre que l’on sent pointer dès le dimanche soir avant qu’elle ne se fasse pleinement ressentir le lundi matin. Mais pour Nicolas Framont, ce n’est pas le lundi que l’on déteste, mais la domination au travail.
Vous ne détestez pas le lundi revient alors de façon convaincante sur l’expérience que nous connaissons presque tous dans nos entreprises, mais aussi dans des lieux qui pourraient ne pas être soustraits aux logiques capitalistes (administration publique, domaine de l’art, milieu associatif). Adoptant une perspective historique, Nicolas Framont montre que l’organisation du travail dans les plantations aux Etats-Unis « a ensuite été exportée dans l’industrie européenne naissante. Il s’agissait d’une organisation très intensive et très contraignante, avec une très forte division du travail et un encadrement violent ». La violence managériale s’est ensuite étendue à toutes les formes de travail, et le rédacteur en chef du magazine Frustration d’utiliser de nombreux exemples dans le domaine de l’art ou de l’associatif où on fait passer d’horribles conditions de travail au profit d’une cause plus noble.
Le deuxième chapitre explique pourquoi votre supérieur est incompétent (on vous laisse découvrir le « principe de Peter ») et comment les managers cherchent en permanence à légitimer leur travail : « le « volume d’heures que je m’enfourne » fait partie du discours hiérarchique établi ». Le troisième chapitre se concentre sur le phénomène de la « grande démission », notamment observé aux États-Unis juste après la période de Covid tandis que le dernier chapitre, « Se libérer au travail, un mode d’emploi », remet en perspective l’apport des syndicats et imagine « une forme d’organisation sociale qui permette à chacun.e, quels que soient son secteur et sa fonction, de pouvoir trouver de l’aide au travail ».
Vous ne détestez pas le lundi fait preuve d’une grande pédagogie pour déconstruire les grands mythes du travail que sont le mérite, le présentéisme, la nécessité du management, la souffrance au travail qui serait en fait liée à un contexte personnel difficile, etc. Nicolas Framont sait également mélanger références académiques (travaux de James C. Scott, David Graeber, Michelle Zancarini-Fournel…) et réflexions personnelles issues de son quotidien. Enfin, dans sa conclusion en forme d’utopie, le livre propose des solutions concrètes et des pistes de réflexion bienvenues.
Vous ne détestez pas le lundi. Vous détestez la domination au travail, Nicolas FRAMONT, Les Liens qui libèrent, 304 pages, 20 €
Visuel : © Couverture du livre