« Citoyens policiers » : Arnaud-Dominique Houte étudie plus de deux siècles de relations entre police et population

Politique et sécurité publique : une articulation difficile

Comment associer les simples citoyens à ce qu’il est convenu d’appeler « le maintien de l’ordre » sans risquer lynchages et autres justices expéditives ? Le livre d’Arnaud-Dominique Houte montre que c’est autour de cette question que s’est construite la politique de la sécurité publique depuis la Révolution.

L’intérêt premier de Citoyens policiers est en effet de délaisser les questions trop techniques pour se concentrer sur les questions politiques induites par la participation citoyenne à la lutte contre les crimes et les délits. Ainsi des craintes, nombreuses au XIXe siècle, de voir la « loi de Lynch » régner en maître, mais aussi des réflexions, dès le XVIIIe siècle, autour de la question de la délation : dans quelle(s) situation(s) est-il légitime, sinon souhaitable, de dénoncer un acte hors-la-loi ? L’Histoire récente du XXe siècle a bel et bien montré les risques des incitations à la délation, alors que les appels à la « vigilance » – qu’elle émane de l’extrême-droite dans le Béziers de Ménard ou d’entreprises privées – sont toujours d’actualité.

Police et société civile : une relation complexe

La structure du livre, qui croise approches thématique et chronologique, permet à son auteur de montrer la professionnalisation progressive des missions de police, avec un accroissement important du nombre de postes si l’on étudie la période qui s’étend de la Révolution à ce début de XXIe siècle. Toutefois, la police professionnelle n’a jamais totalement pu se passer d’aide extérieure, les citoyen.nes oscillant entre une attitude de coopération et de résistance passive. C’est que les relations des Français.es avec la police, on le sait, ne sont pas simples. L’auteur prend également – et c’est précieux – le soin de signaler les questions pour lesquelles il ne possède pour l’instant pas assez de données et qui mériteraient d’être étudiées en profondeur. Cette précaution nous conduit à rêver à une suite à ce bel ouvrage, qui nous permettrait de suivre jusqu’au bout les pistes ainsi ébauchées.