« Sister Midnight » de Karan Kandhari : une surprenante comédie vampirique

Une anti-héroïne marginale

Inadaptée à son nouveau rôle d’épouse, Uma s’essaie aux tâches ménagères et à une intimité maritale. Isolée et étrangère à cette vie, elle trouve un emploi de nuit de l’autre côté de la ville – une échappée émancipatrice. À travers ses errances nocturnes, le long-métrage glisse progressivement vers l’étrange : Uma développe une mystérieuse maladie, des pulsions vampiriques irrésistibles contaminent la narration. Dans ce rôle, teinté d’horreur et d’humour, Radhika Apte livre une performance magnétique, subversive et indomptable.

Mumbai, entre l’étouffé et le mystère

Le Mumbai contrasté diurne, bruyant et saturé et sa version nocturne, quasi fantomatique, est au cœur du dispositif visuel du film. Kandhari capte cette dualité avec une photographie soignée et une esthétique colorée, où se déploient des panoramas sublimes de ciels pastel et des symétries étudiées qui plairaient aux plus amoureux du cinéma de Wes Anderson et d’Almodóvar. Le réalisateur croise des références au cinéma muet, au cinéma de genre tant dans la mise en scène, dans la réalisation que dans la narration.

Une comédie visuelle surprenante

Les dialogues sont rares mais ciselés, laissant place à un humour burlesque à la Buster Keaton. Les gestes, les silences, les situations absurdes portent une dimension comique inattendue : « Les enculés ! Les nuages ont mangé la lune ! » « Tu es sûre que tout va bien ? ».

Alliance entre poésie, beauté et horreur, Sister Midnight provoque la surprise et le rire. L’utilisation du stop-motion ajoute à la bizarrerie du long-métrage, s’opposant frontalement au naturalisme dominant dans le cinéma actuel.

Un portrait punk-rock

Il n’échappe pas que la musique joue un grand rôle dans le cinéma de Kandhari : Sister Midnight emprunte son titre à une chanson d’Iggy Pop et la bande-son passe habilement de la soul cambodgienne des années 1960 au punk-rock d’Iggy Pop de The Stoogles ou encore de Motorhead. Une ambiance sonore déroutante, mais jubilatoire.

Finalement, tout comme la musique, Uma est insoumise : marginale, punk et résistante. Avec son pansement sur le nez et son look gothique, elle incarne une forme de fuite radicale hors des normes sociales.

Sister Midnight impose une vision inhabituelle sur grand-écran, oscillant entre poésie, horreur et humour. L’œuvre en est captivante et si l’on en sort un peu perplexe et horrifié, ce portrait punk-rock, brillamment mis en scène par Karan Kandhari, gagne nos cœurs.