Manas, évoque en brésilien, la cellule familiale, la sororité. Dans son premier long-métrage Manas, Marianna Brennand livre le récit de Marcielle, une jeune adolescente de 13 ans qui voit ses rêves d’émancipation s’anéantir face à l’exploitation sexuelle et les abus qui surviennent au sein de sa communauté. Au cinéma le 26 mars.
Le générique débute au son d’un moteur de bateau. Brutal, il annonce le danger constant qui menace les jeunes filles de l’île de Marajó. Embarqué sur les rives du fleuve, au cœur de la forêt amazonienne, un sublime premier plan se dévoile : rideaux aux couleurs vivaces s’agitent au gré du vent, laissant la lumière du soleil pénétrer à l’intérieur de la maison de Marcielle.
Au départ, c’est le quotidien innocent de Marcielle qui plante le décor. Oscillant entre enfance et âge adulte, l’adolescente rêve d’émancipation et d’avenir meilleur. Pleine d’espoir, de curiosité et d’imagination, elle cherche à comprendre la vie des adultes et saute sur chaque occasion pour grandir un peu plus.
Manas est une fiction qui dépeint un phénomène lui bien réel : les abus sexuels perpétrés aux mineures dans certains villages de la forêt amazonienne. Marianna Brennand d’une carrière originellement documentaire, se confronte à la fiction pour livrer ce récit. Ainsi, le long-métrage s’arme des codes du documentaire, renforçant l’empathie éprouvée pour l’histoire de Marcielle.
Les caméras suivent les personnages dans leurs tâches quotidiennes où seul le son des mouvements au milieu des environnements naturels parviennent aux oreilles des specateur.ices. Ce style, d’un réalisme brut, éloigne ainsi le long-métrage de la fiction.
Malgré cet aspect très frontal et réaliste, tout est subtilement induit. Aucune scène de violence n’est imposée aux spectateur.ices. Elle est devinée, au fur et à mesure que l’on suit Marcielle. Si, au départ, il ne plane qu’un malaise incertain annonçant les abus sexuels que la protagoniste va subir, les spectateur.ices comprennent vite.
La réalisatrice réussit éveiller les sens tout en immergeant les spectateur.ices dans l’intimité de l’héroïne. A mesure que les violences se perpétuent, Marcielle, ainsi que le public comprennent ce que la violence et le silence infligent au cerveau et au corps.
Dans l’immensité de la forêt amazonienne, Marcielle se retrouve, et les spectateur.ices avec elle, de plus en plus contrits et enfermés dans le silence. Les tensions croissent, sans qu’aucune explication et narration excessive n’alourdisse l’atmosphère. Les dialogues, rares et succincts, laissent place à des regards, des silences, des expressions crispées, complices ou confiantes qui règnent sur le film.
D’une puissance extrême, les relations entre les adolescentes et les femmes gouvernent l’entierté de l’intrigue. La relation entre la mère (Fátima Macedo) et la fille (Jamilli Correa) incarne toutes les problématiques qui se jouent au sein d’une intimité bouleversée. Sa mère, à la fois complice de l’héroïne et de leur bourreau, est un personnage extrêmement complexe. Une femme, quoi qu’elle fasse, est toujours jugée. Qu’elle parle ou se taise. Bien que son inaction à protéger ses filles est condamnable, Marianna Brennand parvient à rendre les spectateur.ices indulgent.es envers cette femme qui subit et n’arrive pas à briser les chaînes du silence et des abus sexuels.
L’impuissance est soulignée, et notamment celle de la loi. Personne ne semble capable de changer la situation. Ni Marcielle, ni sa mère, ni son amie, ni la loi. Malgré l’aide d’une policière qui place Marcielle dans une famille d’accueil, le cercle des oppressions la rattrape sans arrêt.
Ce film raconte le courage de Marcielle, qui sans cesse cherche à s’en sortir, en vain. Tentatives après tentatives, c’est finalement l’impuissance des autres et la volonté de protéger sa sœur qui la pousse à son geste final. Le film se termine sur un dernier silence, qui, encore une fois, dit tout, abandonnant les spectateur.ices à leurs ressentis.
Visuel ©Marianna Brennand
Sortie en salle le 26 mars 2025.