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17.09.2024 → 03.10.2024

Festival Images mouvementées : « Même l’humain devient un objet de spéculations »

par Julia Wahl
17.09.2024

La 22e édition du festival Images mouvementées, organisé par ATTAC Paris Nord-Ouest, aura lieu du 17 septembre au 3 octobre au cinéma 5 Caumartin, à Paris. L’occasion d’échanger avec Eve-Marie Bouché, la coordinatrice de l’événement.

Qu’est-ce qui a présidé au choix de monter un festival pour ATTAC ?

 

Je n’étais pas là au moment de la création du festival, même si j’ai rejoint assez vite l’équipe. C’était en fait le grand boom d’ATTAC. Il y a un groupe cinéma qui s’était créé au sein d’ATTAC et qui a eu envie de faire ce festival. L’événement s’est retrouvé porté par un comité local, le comité Paris Nord-Ouest. C’est un festival du cinéma, avec des projections et des débats.

 

Il faut dire qu’au début, c’était une énorme manifestation, c’est-à-dire qu’il y avait des projections, quatre projections par jour pendant une semaine. On a dû revoir ça à la baisse quand on a perdu la subvention de la région.

 

La perte de la subvention de la région est-elle liée au changement de couleur politique ?

 

Oui, dès qu’elle est passée à droite, on a perdu la subvention. Avant, on avait un grand thème par édition et là, maintenant, on a en fait deux séances par semaine pendant trois semaines. Ça nous donne plus de liberté d’avoir un thème maintenant par séance. On peut coller un petit peu plus aux avant-premières, aux sujets d’actualité, ou simplement un film qu’on a vu et qui nous intéresse.

 

Vous êtes coordinatrice, chargée de la programmation et la recherche de financement. Comment cela se passe-t-il ?

 

On fait vraiment la programmation de manière collective. On se voit toutes les semaines pendant plusieurs mois pour regarder les films. Moi, je me charge un peu de tout ce qu’il faut faire derrière pour que ça fonctionne.

Donc la recherche d’argent…

 

Oui, ça, après, on est pas très fort pour trouver de l’argent. Mais on organise les partenariats, tout pour que ça fonctionne, on négocie les films avec les distributeurs, on contacte lesintervenant.es, on anime les débats…

 

Est-ce important pour vous de choisir des films internationaux ?

 

L’idée c’est d’être aussi larges que possible, d’être aussi variés que possible, et de ne pas être resserrés sur ce qui se passe en France, de voir aussi ce qui se passe à l’international. En général, on essaie d’avoir des courts, des longs, des films beaucoup diffusés, d’autres pas du tout, même éventuellement des films anciens.

 

Il y a un court-métrage cette année, Sochaux 11 juin 1968, projeté avant Le Sang des autres : ce sont deux films consacrés à l’industrie automobile et ils datent tous les deux des années 1970. Or, les usines aujourd’hui n’ont pas du tout disparu en France et, en même temps, elles apparaissent beaucoup moins à l’écran. Avez-vous une explication à cela ?

 

On n’a plus tellement de films sur les conditions de travail des ouvriers. En fait, quand on voit les ouvriers, c’est plutôt au moment où leurs usines sont menacées de fermeture, c’est plus sur des mobilisations pour sauver des emplois. Après, sur les conditions de travail au quotidien des ouvriers, on en voit moins. Alors, c’est vrai qu’il y en a moins aussi, peut-être, que à une certaine époque.

 

Mine de rien, il y a quand même beaucoup d’usines qui ont été délocalisées, donc ça concerne quand même moins de gens qu’à une certaine époque. Après, j’ai pas d’explication sur le pourquoi.

 

Vous avez aussi un film qui s’appelle L’Effet Bahamas, qui traite de la disparition programmée de la caisse d’assurance chômage…

 

On le sent bien, les services publics d’une manière générale sont menacés. Il y a plusieurs aspects dans le film. Il y a les chômeurs et chômeuses qui sont vraiment confronté.es à la machine impitoyable, tout ce qui peut y avoir de kafkaïen. Après, il y a aussi des experts, il y a différents types de paroles.

 

Il y a aussi la question de l’aide aux réfugiés, avec Mothership. Une question illustrée dans beaucoup d’œuvres cinématographiques ou théâtrales. Or, les mentalités évoluent assez peu là-dessus. Les politiques migratoires se durcissent. Comment peut-on expliquer ce paradoxe ?

 

C’est justement parce que ces politiques sont assez scandaleuses que les artistes sont touché.es forcément par ces milliers de morts et qu’il va y en avoir probablement encore en Méditerranée. Après on se dit : comment pourra-t-on justifier d’avoir laissé faire ça ?

 

Dans le film, on est à bord de Ocean Viking, un bateau de SOS Méditerranée. Il n’y a pas de voix off, on est au cœur de ce bateau, avec les opérations de sauvetage. On voit tous les aspects de la vie à bord , avec aussi les gardes-côtes libyens qui traînent dans le coin. Il faut arriver avant eux, donc il y a un suspense. Beaucoup d’émotion aussi.

 

Pour en revenir aux films internationaux, Des Temps impitoyables porte sur les soins aux personnes âgées en Finlande. Cela donne l’impression que les services publics sont grignotés de toute part en Europe. Est-ce que c’est aussi une analyse que vous avez, qu’il y a vraiment une attaque d’ordre international là-dessus ?

 

C’est le même fonctionnement, un peu partout. Alors, à des échelles, à des degrés différents, peut-être, avec la privatisation de ce qui devrait être de l’ordre du service public. Même l’humain devient un objet de spéculations, les personnes sont considérées comme un investissement.

 

Il y a aussi un film palestino-norvégien, No Other Land, qui est sur une amitié israëlo-palestinienne.

 

Il montre bien ce qui se passe à Gaza. On ne peut pas dire que c’est partisan, c’est juste montrer à travers le regard de ces deux protagonistes ce qui se passe là-bas, y compris au sein des familles. On voit les répercussions, les divisions.

 

La dimension amicale est intéressante. Etait-ce important qu’il y ait un film qui porte une forme d’espoir dans la programmation ?

 

Oui, c’est ça qui est merveilleux aussi. Même si c’est un film qui dénonce ce qui se passe là-bas, cette amitié donne aussi une note d’espoir et montre qu’une entente, finalement, est possible aussi.

 

Autour du feu est un film suisse où différents militants et militantes essaient de réfléchir à comment poursuivre une action politique.

 

Il y a à la fois un peu les vieux de la vieille, qui sont allés assez loin dans leur action, dans les moyens de défendre leurs idées, qui racontent ça à des jeunes militantes notamment d’Extinction rébellion. Et donc les méthodes ne sont pas exactement les mêmes, mais peuvent aussi friser aussi l’illégalité. C’est cette réflexion. On est vraiment installé autour du feu avec eux et on discute. On participe à cette discussion entre deux générations qui sont toujours un peu confrontées à « qu’est-ce qu’on fait, jusqu’où on peut aller, jusqu’où on ne peut pas aller ? ».

 

Chaque projection est suivie d’un débat. Il y a à la fois le réalisateur ou la réalisatrice, des militants ou militantes et des universitaires…

 

C’est toujours des points de vue différents, complémentaires. C’est bien d’avoir à la fois le réalisateur du film, les universitaires, qui peuvent avoir du recul aussi et la parole des gens qui sont sur le terrain. Ça a toujours été le principe. Les échanges durent aux alentours d’une heure et quart. À chaque séance, et après aussi, on tient une table avec les publications d’ATTAC, les publications de nos partenaires et normalement les intervenants.

 

La salle arrive-t-elle à s’emparer des échanges ?

 

Oui. Le principe, c’est que, après la projection, on donne la parole aux intervenant.es assez brièvement (on leur demande vraiment de ne pas dépasser cinq minutes) pour lancer le débat, se présenter, réagir un peu au film… Et très vite, on fait circuler un micro dans la salle pour que ce soit vraiment un échange.

 

Le public, justement, comment arrivez-vous à le toucher pour qu’il vienne ?

 

Comme on peut [rire] ! On essaie de multiplier les canaux. On diffuse des programmes partout dans Paris, on est sur les réseaux sociaux, on a des partenaires aussi. Par exemple, l’hebdomadaire Politis nous offre un encart.

 

Ce public est-il plutôt composé de militant.es ou de cinéphiles ?

 

C’est difficile à évaluer. On a toujours un public de militant.es, ça c’est sûr. Après, c’est assez variable aussi selon les thèmes abordés. On va toucher un public plus jeune sur certaines séances, avec des étudiant.es. On a un fond de public militant, mais pas uniquement. Par exemple, on a deux séances scolaires, avec Mothership et No Other Land, projetés à des lycéens et, à la suite, une discussion avec la réalisatrice de Mothership et un représentant d’une association.

Festival Images mouvementées

 

Cinéma Les 5 Caumartin, 101 rue Saint-Lazare, Paris 9e

Mardi 17 septembre 2024 à 20h

L’effet Bahamas + Débat : Main basse sur la caisse (de l’Assurance chômage)
Vendredi 20 septembre 2024 à 20h

Mothership + débat : À la vie, à la mer
Mardi 24 septembre 2024 à 20h

Des temps impitoyables – La complainte des soignants + Débat : Ruée sur l’or gris
Jeudi 26 septembre 2024 à 20h

Hommage à Bruno Muel et aux groupes Medvedkine
Sochaux, 11 juin 1968 + Avec le sang des autres + débat Moteur, actions !
Mardi 1er octobre 2024 à 20h

Avant-première du film No other land + débat : Palestine, j’écris ton nom