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Arras film festival : une journée sous le signe de l’enfance et de la jeunesse

par Julia Wahl
10.11.2024

C’est sous les auspices de l’enfance et de la jeunesse que s’est ouverte cette seconde journée du festival arrageois. Des jeunesses et des enfances certes multiples, mais très rarement insouciantes.

En cette deuxième journée de festival, c’est l’enfance et la jeunesse qui sont à l’honneur avec les films When The Light Breaks, Block 5, La Plus précieuse marchandise et Par amour.

 

Par amour : l’âge du rêve  et du mystère

 

Ce dernier, réalisé par Elise Otzenberger (Lune de miel, 2019), met en scène une mère de famille, Sarah, jouée par Cécile de France, dont le fils aîné, âgé de neuf ans, prétend, après avoir été abandonné quelques instants à la plage, correspondre avec des extraterrestres. D’abord inquiète, elle finit par entrer dans le jeu de son fils, au point de ne plus discerner – et nous non plus – le vrai du faux.

 

Sous les allures de fable aux résonnances SF se dessine là un portrait de personnage ambivalent, qui, de mère angoissée, devient rapidement une jeune femme à nouveau pleine d’imagination. Ses relations avec son mari (Arthur Igual), qui refuse au contraire de croire aux voix qu’entendrait son fils, sont également représentatives des disparités de genre qui continuent à régir les couples contemporains, celui-ci s’adressant à elle comme on parle à un enfant. Il est tout sauf un homme violent, simplement un père persuadé de savoir mieux que sa femme ce qui est bon pour leur fils. Derrière l’hymne à l’imaginaire et à l’enfance transparaît donc en filigrane une âpre critique des rapports homme/femme au sein du couple.

 

Block 5 : l’âge de la révolte

 

Dans Block 5, c’est l’histoire d’enfants un peu plus grands qui nous est contée. Le film commence par suivre le personnage d’Alma, qui vient d’emménager avec son père dans un nouveau quartier et qui sert pour l’instant de souffre-douleur aux voisins et voisines de son âge. Mais elle découvre que l’aire de jeux de la cour d’immeubles est menacée de disparition et fédère autour d’elle les inconditionnel.les du skate.

Ce film du Slovène Klemen Dvornik vaut par la profondeur avec laquelle il raconte cet âge transitoire qu’est la pré-adolescence. Il présente des personnages aussi divers que des adultes, riches de toute une palette d’émotions.

 

When The Light Breaks : l’âge du deuil

 

Quant au film islandais When The Light Breaks, de Rùnar Rùnarsson, il se concentre sur le personnage d’Una, étudiante en arts dont le petit ami vient de mourir dans une catastrophe routière. Or, celui-ci était encore officiellement avec son amoureuse de lycée, Klara, qu’il devait justement quitter pour présenter aux sien.nes sa nouvelle amie. Una vit alors la solitude des deuils illégitimes, la sollicitude de ses camarades allant plus volontiers à Klara qu’à elle. Toutefois, et c’est là l’une des épaisseurs du film, ses sentiments envers sa rivale ne se limitent pas à la jalousie, la peine ou la détresse reliant les deux jeunes femmes.

 

La caméra suit Una à hauteur de son visage sobre, dont la tristesse est évidente sans jamais être envahissante. Bien au contraire, le jeu de Elin Hall accorde une large place à la discrétion due à la clandestinité et ne souligne jamais les émotions. Les paroles sont rares, mais les corps s’étreignent en des gestes empreints de sensualité. When The Light Breaks dépeint avec justesse la souffrance simple de celles et ceux qui viennent de perdre quelqu’un.

 

La plus précieuse marchandise : l’âge de survivre

 

La souffrance est tout autre dans La plus précieuse marchandise, film signé par Michel Hazanavicius et Jean-Claude Grumberg à partir du conte éponyme de ce dernier. L’auteur de OSS 117 s’est saisi de crayons pour mettre en images ce livre sous forme de film d’animation. Il présente un couple de bûcherons qui décide, envers et contre tout, de recueillir un bébé issu d’un train menant, en pleine Shoah, à un camp de concentration.

 

Le film conserve du texte la forme du conte, avec son indétermination spatio-temporelle – même si le public comprend bien de quoi on lui parle -, le couple de bûcherons et l’immixtion récurrente du narrateur. Quant au graphisme de Hazanavicius, il alterne entre des images typiques de livres pour enfants – contraste des couleurs, neige… – pour dépeindre la vie du couple, mais aussi un trait bien plus sombre, emprunté au fusain, pour la description de la vie des camps. Le tout donne corps à un film étrange par ce mélange inattendu, qui, en dépit de la présence du merveilleux, n’édulcore en rien l’horreur de la Seconde Guerre mondiale.

Visuel : When The Light Breaks