Dans la formidable diversité de l’offre du Off d’Avignon, le Théâtre de Halles propose une production de la Compagnie Forget me not, une pièce tirée du récit d’Henri Alleg, journaliste torturé pendant de la guerre d’Algérie : ‘’La Question’’.
Henri Alleg, militant communiste rentré dans la clandestinité en 1955 est arrêté en 1957 par des parachutistes, est emprisonné, torturé lors de plusieurs séances, puis finalement relâché sans avoir donné les noms de ses camarades. Il est encore en prison quand il écrit en détail le récit des tortures qu’il a subies, texte repris dans ce spectacle.
C’est Stanislas Nordey, ici ‘’seulement’’ comédien qui interprète avec maestria ce texte précis, sec, usant peu des adjectifs, très factuel, décrivant les pratiques de ses tortionnaires et ses réactions physiques et mentales. La voix du comédien, claire et tendue, est parfaite pour rendre toute la dureté du récit, sans pathos aucun mais où affleure encore le souvenir de ses tortures. Il joue de sa silhouette mince et, comme souvent dans son jeu, de ses mains qui pointent un souvenir ou se referment à l’évocation d’un moment particulièrement cruel.
La scénographie de Nicolas Milhé et Renaud Lagier est simple : plateau noir mais fond éclairé derrière un rideau de fils qui renforce la tension des scènes. L’une d’elle, très forte, comme un climax, évoque un moment de torture particulièrement dur, un moment où l’esprit du narrateur se brouille, ou il pense perdre la tête et même la vie. Le rideau de scène s’agite peu à peu, ajoutant à la sensation de terreur, et alors que l’on entend une chanson populaire (‘’Toi, ma p’tite folie’’ !) jouée à fond pour couvrir les cris du supplicié. La mise en en scène Laurent Meininger use de peu d’artifices, mais est très efficace.
En guise d’épilogue, quelques cartons à la fin de la pièce, nous rappellent, en une terrible ironie, que les tortionnaires (des anciens nazis, mais aussi de jeunes militaires sans idéologie) seront tous graciés par une loi d’amnistie générale, alors qu’Henri Alleg sera inculpé d’atteinte à la sureté de l’État, puis à nouveau emprisonné (il s’évadera)
Une pièce passionnante, un comédien remarquable, une mise en scène forte, nous avons vu un spectacle beau, poignant et encore utile.
Visuel : Jean Louis Fernandez
Le Texte est publié aux Éditions de Minuit
Du 7 au 26 juillet 2023, à 16h30 au Théâtre des Halles