Un film sur la contestation du régime en Iran, qui trace un drame familial sous tension et montre la violence de la répression.
Dans Les Graines du figuier sauvage, le récit se centre sur l’organisation du quotidien : celui vécu par une famille iranienne, dans les temps tout récents. Une promotion acquise par le père leur donne la perspective d’élever leur niveau de vie. L’ennui, c’est qu’il exerce en tant que juge d’instruction, et ne décide en fait pas de grand-chose concernant les peines, ce qui le ronge, en particulier lorsque la punition est la mort. La mère, elle, enjoint ses deux filles à tout faire pour ne jamais porter préjudice à leur géniteur, rappelant les interdits. Cela peine la fille aînée, vingt-et-un ans, qui n’a qu’une seule amie à son université, mal vue par sa mère. Un même sort se dessine pour la fille cadette, pas encore majeure. Le gris de la photographie du film nimbe ces existences, les cadrant à juste hauteur : ces deux filles forcées d’être un peu tout le temps dans l’appartement de leurs parents, cet espace public où la contrainte règne, qu’on aperçoit bien peu.
L’élément perturbateur, dans ce récit, n’est pas tant l’affaire de l’arme disparue, fait pour lequel le père se met à soupçonner sa fille aînée, que la contestation face à la république islamique, qui vient mettre à mal ce quotidien contraint. Les faits sont réels, le film ne les reconstitue pas : il insère des vidéos réelles prises par des personnes avec leurs portables, peut-être pas visibles par tous au sein de la population en ce jour du fait des limitations à dessein d’Internet par le gouvernement. Le peuple se met à manifester, donc. La violence de la répression, elle, est subtilement montrée, mais sans détours : on pense à cette longue scène au cours de laquelle la meilleure amie de la fille aînée se réfugie dans l’appartement des deux sœurs, et à la moitié de son visage ensanglantée, cadrée avec urgence, mais en même temps de manière un peu sourde, comme si l’image savait elle-même que de telles images sont censées ne pas exister, pour la république islamique.
Long-métrage au sujet nécessaire, Les Graines du figuier sauvage apparaît donc écrit avec subtilité. Jamais gratuit dans ses effets, son récit emmène aussi en plein dans la tristesse qui règne au coeur de ses protagonistes, se retournant les uns contre les autres dès lors que le père perd son arme de service. Et les interprètes, à la fois à vif et en plein dans la sensibilité, se révèlent excellents. Mohammad Rasoulof signe au final un témoignage à la portée politique très forte, peignant une contestation courageuse en n’oubliant pas de guetter, et d’accueillir, d’intenses tristesses étouffées, en particulier celles qui enserrent pas mal de jeunes iraniens et iraniennes, devant un horizon désespérément gris.
Visuel : © Run Way Pictures