À Saint-Denis : hommage à Sarah Maldoror, la « poétesse à la caméra »

Le portrait d’une cinéaste au regard politique et poétique

Marguerite Sarah Ducados, connue sous son nom d’artiste, Sarah Maldoror, offre déjà à son public, par l’écho de son acronyme aux Chants de Maldoror de Lautréamont, une douceur et une poésie certaines. Cette cinéaste est l’une des pionnières du cinéma africain.

Si sa condition de femme racisée la laisse longtemps en marge des circuits de diffusion traditionnels, la jeune artiste ne s’est pas laissée décourager par ce racisme et cette misogynie intégrés (aujourd’hui mysoginoir). En effet, Sarah Maldoror est l’un des visages de celleux qui participent au premier congrès des écrivains et artistes noirs en Sorbonne à Paris en 1958. De plus, elle monte une compagnie de théâtre nommée « Les Griots », composée de personnes venues d’Afrique et des Caraïbes, pour contrer les interdictions qu’on leur imposait, avant de partir étudier le cinéma à Moscou.

Dès lors, sa politisation s’accroît et ses préoccupations sont l’objet de son art qu’elle cherche à partager : elle capture grâce à sa caméra, les visages, les lieux et les sujets qu’elle parcourt et qui la traversent. Si elle met du temps à se faire reconnaître, sa détermination et son travail se fraient un passage dans les milieux culturels de l’époque. 

L’hommage à une dionysienne 

Si le nom des habitant.es de Saint-Denis fait écho aux fêtes grecques, le cœur est effectivement à la fête ce soir !

Dans ce lieu, qu’est le cinéma de Saint-Denis, on nous rappelle que la volonté de diffuser et de faire comprendre la diversité culturelle est au centre des enjeux. Cette salle est un lieu de découverte et de connaissance pour d’autres horizons. Ainsi, renommer « sa salle de cinoche » à son nom, le cinéma Sarah Maldoror, est fort d’émotions pour les personnes qui sont présentes ce soir. En effet, la cinéaste aimait fréquenter les fauteuils rouges de cet endroit avant d’aller prendre un café… ou un whisky dans le bar d’à côté !

Sa fille, Annouchka de Andrade nous livre cette anecdote dans un discours fier aux côtés de sa sœur, Henda Ducados, qui s’est déplacée spécialement pour l’occasion. Toutes deux soulignent l’importance et l’attachement qu’elles ont envers Saint-Denis, soulignant en riant l’aspect communisme « au sens premier du terme », de ce lieu qui les a accueillies lors de leur arrivée précipitée depuis l’Algérie. Les rues et la basilique ont d’ailleurs été saisis comme décors pour certains projets de la réalisatrice.

Un écrin de Sarah Maldoror

Après cet échange de discours touchants entre la famille et les représentant.es du lieu, l’assemblée est invitée à un voyage échantillonaire du travail de l’artiste. Dans ses archives où l’on trouve 46 films produits et 46 projets non réalisés, le choix se porte d’abord sur la lecture d’un scénario inédit. Entre ces quelques lignes que l’on découvre, les luttes anticoloniales et féministes transparaissent clairement. Mais la déambulation ne fait que commencer puisque cette découverte laisse place à la visualisation de Fogo, l’île de feu, datant de 1979 et tout juste restauré. Dans cette captation de l’île volcanique, où elle est revenue tourner deux films, l’œil de la réalisatrice est aiguisé et dévoile avec intelligence, la douceur, les couleurs et la fierté du peuple qui y demeure. Trente-quatre minutes plus tard, la séance se poursuit avec le documentaire d’Anne-Laure Folly : Sarah Maldoror ou la nostalgie de l’utopie. Ce portrait est un mélange de témoignages de la cinéaste, de ses proches et de fragments de ses œuvres. 

Aujourd’hui, la réalisatrice est reconnue et se voit célébrée même à l’internationale ! Des rétrospectives sont en cours ou à venir. Nous pouvons retrouver son travail en ce moment au Centre Pompidou de Metz en attendant l’exposition qui lui est consacrée au Centre Pompidou de Paris du 3 au 7 avril. Le MoMA, l’incontournable musée new-yorkais présente également une rétrospective de la cinéaste au printemps 2025 tout comme la ville de São Paulo en 2026. Et aux manettes du Nouveau Printemps de Toulouse, Kiddy Smile lui réserve également un hommage!