Les 5 et 6 juin avait lieu, au Théâtre de la Cité Internationale, la présentation des « Révélations 2024 » du label circusnext. L’occasion de découvrir quatre projets prometteurs, lauréats de la Sélection circusnext de cette 12e édition.
Fondée sur le dispositif « Jeune Talents Cirque » créé par le Ministère de la Culture en 2001-2002, l’association circusnext a développé un label de cirque européen qui permet à des auteur·ice·s émergent·e·s, dont l’écriture est reconnue comme forte et singulière par le jury, de recevoir un soutien et un accompagnement.
Cette année, les compagnies sélectionnées et lauréates viennent de France, d’Espagne et de Lituanie. Tout au long de la soirée, nous voyageons de salle en salle au Théâtre de la Cité Internationale. On découvre alors des ébauches, des extraits de spectacle à un stade de création plus ou moins avancé, très différentes les unes des autres. Le caractère work in progress nous offre le plaisir de projeter et d’imaginer ce que pourraient devenir les pièces présentées. Et pour cette 12e édition, chaque proposition se révèle être prometteuse.
La soirée s’ouvre avec Le Bruit des Pierres de la compagnie française Maison Courbe, avec Nina Harper, Domitille Martin et Ricardo Cabral. Entre acrobatie et danse, ce travail joue avec la gravité. Il cherche à renverser ciel et terre sur le son de gravillons qui s’échappent. Sur scène, des rochers suspendus auxquels s’agrippe Nina Harper, des tas de cailloux et des pierres volantes. L’idée du contrepoids, autant symbolique que physique, semble être au cœur de cette création naissante déjà bien avancée.
Car c’est dans cette pensée profonde autour du rapport que nous entretenons avec notre environnement que s’érige la création du Bruit des Pierres. L’environnement n’est pas un paysage, nous sommes en relation avec lui, il répond à nos actes. C’est sur cette idée qu’est développée une chorégraphie minéralogique par un duo qui cherche à provoquer son environnement. Nina Harper et Domitille Martin dialoguent avec le décor, mais beaucoup moins entre elles. C’est d’ailleurs dans ce sens que les artistes souhaitent faire évoluer leur création, par une relation plus poussée sur scène. Pour cela, ils devront probablement élaborer une réflexion plus technique autour de la scénographie et des contrepoids.
Le Bruit des Pierres sonne comme une belle promesse d’un spectacle curieux, poétique et engagé.
La soirée se poursuit avec Là où la nuit n’est pas si loin puisque le jour s’en va déjà. Avec sa roue allemande, Noa Aubry interpelle le temps. La lumière la fait naviguer entre deux anneaux dorés qui se croisent dans un espace-temps que l’on peine à définir, c’est beau. L’exploration que l’artiste nous propose est englobante, lancinante. La lenteur répétitive, pensée comme le mouvement des vagues, est très intéressante mais tend parfois à faire plonger le spectateur dans des profondeurs océaniques un peu trop sombre, trop longtemps.
Première création de Noa Aubry, Là où la nuit n’est pas si loin puisque le jour s’en va déjà porte en elle de belles idées, et l’on espère que l’exploration des vagues lui rapporte de jolis trésors animés.
Venant tout droit de Lituanie, la compagnie Taigi Cirkas présente Saucisson, une création où arts visuels, cirque et opéra se rencontrent. Elena Kosovec et Izabele Kuzelyte cherchent ici à désacraliser l’agrès et le corps du circassien. Ce faisant, la corde devient une chaîne de saucisses et l’acrobate un étrange être vivant. Expérimentale, la proposition est assez courte mais captivante.
On souhaite à la forme finale de Saucisson d’affirmer jusqu’au bout sa singularité et son étrangeté tout en essayant de maintenir une forme d’intelligibilité.
Le dernier travail présenté lors de ces Révélations 2024, plus abouti que les trois précédents, offre un condensé d’une création déjantée et sans égal, pour une superbe fin de soirée. La proposition de la compagnie espagnole La Vispera est plus proche du jeu de masques et de marionnettes que d’un spectacle de cirque. Mais n’en déplaise, c’est une superbe création. Vinka Delgado, Diego Hernando et Christine MacKenzie explorent avec beaucoup d’humour la déformation corporelle. Des jambes en trop ou des « moi » en plus, Vinka se divise et se réplique. Derrière l’aspect loufoque des différentes scènes se niche une réflexion autour de la souffrance et de la fragmentation de soi face la douleur.
Bientôt arrivée à maturité, Fragmentos est d’ores et déjà une création que l’on souhaite découvrir en entier !
Fragmentos, La Víspera (Vinka Delgado, Diego Hernando) · Espagne
Création 2025 · Marionnette, mât chinois
Visuels : © Kiko Lozano
Le Bruit des Pierres, Maison Courbe (Nina Harper, Domitille Martin, Ricardo Cabral) · France
Création 2025 · Acrodanse, aérien
Visuels : © Joseph Banderet, © LoicNys
Saucisson, Taigi Cirkas (Elena Kosovec, Izabele Kuzelyte) · Lituanie
Création 2025 · Acrobatie aérienne, corde
Visuels : © D. Ališauskas
Là où la nuit n’est pas si loin puisque le jour s’en va déjà, Noa Aubry · France
Création 2025 · Roue allemande
Visuels : © Joseph Banderet