Le festival Circa propose lors de sa 36e édition de découvrir le spectacle Murmur (cie Grensgeval / Aifoon), qui se donne comme un cirque-théâtre sonore. Un unique interprète, autant danseur qu’acrobate sangliste, se trouve au milieu d’un dispositif sonore immersif particulièrement réussi. Une proposition brillamment ludique.
A l’entrée de la salle où est posé un gradin circulaire autour d’un petit tapis de danse, chaque membre du public est invité à tomber la veste : la raison en est qu’il faudra, au début du spectacle, épauler un petit sac à dos qui constitue une part essentielle du dispositif sonore du spectacle. En effet, malgré les indéniables qualités physiques de Camiel Corneille, qui bondit sur la piste, danse avec grâce, et offre quelques passages aux sangles très convaincants, le coeur de la proposition n’est pas tant la prouesse acrobatique que la façon dont Murmur stimule l’oreille et l’imaginaire.
Lorsque le circassien se présente sur la piste en chaussettes mais revêtu d’un beau costume, des sons retentissent bientôt. Un à un, il extrait de petits hauts-parleurs de ses poches, qu’il dispose au sol. Le rythme et l’agencement des sons fait entendre comme une musique concrète : gouttes d’eau qui tombent, ronronnements de chat, crissements de graviers se répondent. En réalité, il s’avère que l’interprète est couvert de ces petites sources sonores, surprenamment qualitatives, qui joue à faire circuler dans l’espace, à obturer ou à libérer en fonction des positions de son corps. Il y a toute une recherche autour de ce que le son imprime dans le corps, et réciproquement autour de ce que le corps par ses mouvements peut faire au son.
Aux bruits de la nature succèdent les bruits de la civilisation mécanique après un court épisode de perturbations. Les petites enceintes circulent entre les mains des spectateur·rices du premier rang. Deux énormes enceintes au caisson en bois épais sont amenées sur scène, puis suspendues aux sangles, ce qui donne lieu à quelques acrobaties aérienne, et à un jeu de mise en mouvement pendulaire qui rappelle Jorg Müller. La performance physique est évidente, mais c’est la construction sonore surtout qui épate. Les sacs à dos distribués au public se révèlent contenir des hauts-parleurs, et des sons se mettent à parcourir le public, dessinant un paysage acoustique dynamique et spatialisé dont le design est un bijou de précision.
C’est un spectacle captivant que signent Hanne Vandersteene, Mahlu Mertens et Stijn Dickel, élégant dans sa simplicité, extrêmement ludique dans son exécution. Il fait gentiment participer le public – surtout les enfants au premier rang – en l’immergeant efficacement dans la proposition : les vibrations du sac porté sur le dos est comme un micro succédané des gilets vibrants que les personnes sourdes peuvent utiliser pour traduire le son en sensation tactile. C’est malin, très bien mis en oeuvre – malgré quelques sacs en panne – et l’interprète est extrêmement attachant et construit un joli rapport avec le public. On reste en droit de se demander en quoi exactement le corps dansant ou acrobatique est une nécessité pour cette proposition : peut-être les deux composantes de la proposition ne sont-elles pas arrimées l’une à l’autre de façon indéniablement convaincante… ce qui n’empêche pas de passer un très, très bon moment.
GENERIQUE
Conception : Hanne Vandersteene, Mahlu Mertens, Stijn Dickel.
Interprétation : Camiel Corneille.
Régie : Hanne Vandersteene et Mahlu Mertens.
Composition sonore : Stijn Dickel (Aifoon).
Dramaturgie : Mieke Versyp.
Software : Tim De Paepe.
Hardware : Jeroen Vandesande.
Lumière : Geert Vanoorlé.
Costumes : Dorine Demuynck.
Techniciens : Rinus Samyn, Sil Verdickt, Cecilia Rosso.
Visuel ©Geert Roels