Extension des Folles journées de Nantes, Ma région virtuose s’implante dans plusieurs sites du département de Maine et Loire. La prestigieuse abbaye royale de Fontevraud, « fief » des Plantagenêt* pendant plus de trois siècles, est l’un de ces sites.
Les responsables des Folles journées et de Ma région virtuose ont programmé des artistes de talent qui viennent avec des programmes souvent montés pour l’occasion et très attirants sur le papier. Pour le premier des deux concerts de ce froid dimanche après-midi, c’est le très bel ensemble Magnétis qui vient présenter deux œuvres pour voix et orchestre d’Antonio Vivaldi (1678-1741).
C’est pour les orphelines de l’Ospedale della Pietà, installé à Venise même que Vivaldi composa une grande partie de ses œuvres vocales et instrumentales. Le Stabat Mater, dont le texte a été composé au XIIIe siècle par le poète franciscain Jacopone Da Todi (vers 1230-1306) est l’une d’entre elles. Composé et créé en 1727, ce Sabat Mater est pour orchestre et mezzo soprano soliste ; Sébastien Bouveyron chef et fondateur de l’ensemble Magnétis a invité la jeune et séduisante mezzo soprano Blandine de Sansal à interpréter le chef d’œuvre de Vivaldi. Dès le début du concert, on note la sobriété de l’interprétation tant instrumentale que vocale. On pourrait argumenter que s’agissant d’un Stabat Mater, la sobriété est indispensable ; et c’est vrai, mais certains artistes ont parfois tendance à en faire trop. La belle voix de mezzo de Blandine de Sansal passe sans efforts dans le vaste auditorium de l’abbaye de Fontevraud. Ce sont essentiellement les registres médium et grave de la voix de la jeune femme qui sont sollicités et on ne peut qu’apprécier la parfaite maîtrise de l’instrument à un si jeune âge. Blandine de Sansal ne tremble pas face aux pics de la partition de Vivaldi qu’elle assume crânement.
La deuxième œuvre au programme de ce court concert de quarante cinq minutes est un motet composé vers 1723. Blanche de Sansal interprète « In furore iustissima irae» avec panache. La « juste fureur » de Dieu est parfaitement retranscrite aussi bien par l’ensemble Magnétis que par Blanche de Sansal dont les aigus claquent avec insolence dans l’auditorium de l’abbaye royale de Fontevraud. Dès les premières notes on entre dans un autre monde : un monde de colère, de punition tel la foudre de Dieu s’abattant sur la coupable humanité. Cela étant dit, le récitatif et le deuxième air de ce motet, plus apaisés, moins « tonitruants », redonnent espoir en la vie, en l’humanité que l’on sait si imparfaite et toujours fautive pour une raison ou pour une autre.
Il n’y a pas nécessairement besoin d’être nombreux sur une scène pour se faire entendre. L’ensemble Magnétis en fait la démonstration avec talent en ce froid dimanche de janvier. Sébastien Bouveyron dirige ses musiciens depuis la place de premier violon. Et il le fait avec talent : Les tempos et les nuances sont parfaits, les départs millimétrés. Les six musiciens qui accompagnent Sébastien Bouveyron suivent leur chef au cordeau. Que se soit dans le Stabat Mater ou dans le motet « In furore iustissima irae» la musique est parfaitement interprétée par cet ensemble de seulement sept musiciens.
L’ensemble Magnétis et Blandine de Sansal ont présenté au public un programme de très belle facture. Le Stabat Mater de Vivaldi, éclipsé par d’autres œuvres (celui de Jean Baptiste Pergolèse (1710-1736) ou celui de Gioachino Rossini (1792-1868) par exemple) au fil du temps gagne pourtant grandement à être connu du public ; il faut bien admettre cependant que c’est très contraignant pour la soliste qui doit être solide vocalement. Ce fut le cas de Blandine de Sansal qui a reçu un accueil très chaleureux à la fin de cette première pièce. Nous saluons aussi le choix du motet « In furore iustissima irae» qui mériterait lui aussi d’être plus donné en concert. Nous souhaitons le meilleur à ces huit très beaux artistes et le succès à Nantes ou ils seront à l’occasion des Folles journées.
* Les gisants d’Aliénor d’Aquitaine reine de France puis reine d’Angleterre, Henri II Plantagenêt, Richard cœur de lion et Isabelle d’Angoulême (épouse de Jean sans terres qui a terminé ses jours comme nonne à Fontevraud) sont installés dans l’église abbatiale.
Visuel : Blandine de Sansal, © Benoit Lombard
Ensemble Magnétis, © Benoit Lombard