Avec l’album Arcadia, Alison Krauss et Union Station se réunissent à nouveau, plus de 10 ans après Paper Airlane.
Leur dernier album studio, « Paper Airplane », auréolé de multiples Grammy Awards, remontait à 2011. L’attente fut longue, mais elle est aujourd’hui magnifiquement récompensée : Arcadia s’impose comme une œuvre remarquable. Alison Krauss & Union Station, propulsés sur la scène internationale par la bande originale d’« O’ Brother » des frères Coen en 2000, nous ramènent aux racines profondes de l’Americana : le Bluegrass. Ce genre musical, dont Bill Monroe et ses Blue Grass Boys furent les pionniers, puise sa force dans la fusion entre le Blues et les traditions musicales anglo-irlandaises.
Cet album nous offre toute la richesse de ces sonorités, sublimées par les voix d’Alison Krauss et Russell Moore (ancien membre d’IIIrd Tyme Out), soutenus par Jerry Douglas (dobro, lap steel, chant), Ron Block (banjo, guitare, chant) et Barry Bales (basse, chant). Ces musiciens d’exception, tous auteurs-compositeurs et producteurs maintes fois récompensés, sont considérés comme des virtuoses dans leurs domaines respectifs. Ron et Jerry ont signé la majorité des compositions de l’album.
« J’ai toujours été fascinée par Norman Rockwell et son univers visuel, car dans mon esprit, c’est là que résonnent tous les airs de bluegrass. Enfant, je contemplais ses peintures dans un précieux livre que nous possédions, et ma mère a dû m’expliquer qu’il s’agissait d’œuvres peintes. En grandissant, j’ai compris qu’elles existaient pour réconforter les gens — Rockwell peignait pour présenter une vie idyllique et offrir de l’espoir » nous confie Alison.
Dès le premier morceau, « Looks like the end of the road », une mélodie mélancolique portée par sa voix cristalline nous transporte ailleurs. « Goodbye to the world that I know » chante-t-elle. C’est cette chanson qui l’a convaincue de créer ce nouvel opus. On comprend aisément pourquoi.
Russell prend le relais sur le second titre, « The Hangman », adaptation d’un poème de Maurice Ogden datant de 1951, parabole saisissante et prémonitoire sur les dangers de rester spectateur face au mal. Remplaçant Dan Tyminski au sein du groupe, il apporte une tessiture vocale exceptionnelle qui nous transporte au cœur des Appalaches.
L’album alterne ensuite des morceaux d’inspiration folk anglais comme « The Wrong Way », ballade à la mélodie envoûtante, « Granite Mills » qui évoque l’univers de Robert Plant et Saving Grace, ou « There’s a Light Up Ahead », composition légèrement mélancoliques où la voix d’Alison atteint des notes aiguës d’une douceur incomparable. On pense inévitablement à Sandy Denny, cette étoile filante du folk britannique qui a brillé au sein de Fairport Convention.
Ces moments de grâce alternent avec des bluegrass entraînants comme « North Side Gal » où la voix de Russell Moore fait merveille, révélant clairement l’influence
de la country sur le rock des années 50. Dans « Richmond on the James », on visualise chaque musicien s’avançant vers le microphone central pour délivrer sa partition avec brio.
Bien qu’enraciné dans les traditions musicales anglo-américaines, cet album rayonne d’une actualité et d’une fraîcheur surprenantes. La pause de quatorze ans semble s’être évaporée, et le plaisir de retrouver ces amis longtemps absents demeure intact.
Le groupe a entamé une tournée « Arcadia » qui les mènera aux quatre coins des États-Unis. Peut-être aurons-nous la chance de les voir bientôt à Paris…
En attendant, ne manquez pas Richard Thompson, autre figure emblématique du groupe Fairport Convention, qui se produira au Café de la Danse le 20 avril prochain. Un événement à ne pas manquer.
Visuel : ©Randee St. Nicholas