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Les générations de Verbier : Klaus Mäkelä et Mikhaïl Pletnev

par Hannah Starman
le 24.07.2023

Ce soir du 23 juillet, devant une Salle de Combins comble, Mikhaïl Pletnev et le Verbier Festival Orchestra nous ont livré un mémorable Concerto pour piano et orchestre n°2 de Serguei Rachmaninov, dont on célèbre cette année les 150 ans de la naissance, suivi d’une somptueuse Symphonie alpestre de Richard Strauss.

Concerto pour piano et orchestre n°2 en do mineur op. 18 de Serguei Rachmaninov

 

Installé devant un magnifique Shigeru Kawai, fabriqué à la main pour lui au Japon, Mikhaïl Pletnev, le pianiste et chef d’orchestre russe, a exécuté un magistral Deuxième concerto de Serguei Rachmaninov. L’image de Pletnev, projetée sur deux écrans géants, est déconcertante, tant la nouvelle génération de prodiges nous a habitués à une expressivité flamboyante. Chemise noire col Mao, visage impassible, les mains qui glissent sur le clavier avec une singulière économie : on dirait que Mikhaïl Pletnev se fait un devoir de dédaigner toute mise en scène de son immense talent et c’est fort rafraîchissant !

 

Face à Pletnev, qui fait penser à un haut fonctionnaire de l’Union des compositeurs soviétiques assistant stoïquement à un énième interminable discours de Jdanov, le jeune et pétillant Klaus Mäkelä semble brider sa propre gestuelle. L’ajustement des tempéraments s’accorde merveilleusement avec la dynamique du premier mouvement et les spectateurs profitent, dès les premières mesures, d’un Deuxième Concerto d’une qualité rare ; techniquement parfait et investi d’une intensité toute intérieure.

 

En 1900, Rachmaninov entame l’écriture de son Deuxième concerto pour surmonter trois ans de dépression nerveuse, déclenchée par l’échec de sa première symphonie. Il dédiera cet hommage à sa survie au pionnier de la psychiatrie russe, le docteur Nicolas Dahl, qui l’a aidé à renouer avec sa créativité. Pratiquant l’hypnose thérapeutique, Dr. Dahl chuchotait à l’oreille de Rachmaninov, mis en état de transe : « Vous allez écrire votre concerto. Vous allez travailler sans difficulté. Le concerto sera excellent. » La suggestion hypnotique s’est révélée juste car plus de cent-vingt ans après sa composition, le Deuxième concerto de Rachmaninov est toujours considéré comme un des meilleurs concertos pour piano jamais écrits.

 

Composé de trois mouvements et reconnu pour sa difficulté technique, le Deuxième concerto retrace les étapes de sa propre genèse tourmentée. Dans le Moderato, le compositeur rappelle son éveil progressif d’une torpeur impuissante et retrace les épisodes qui l’ont plongé dans la crise. Pletnev fait défiler une succession de tableaux évoquant ces moments d’angoisse et de chagrin avec une incroyable aisance et une précision sans faille. Mäkelä, attentif, sensible et serein maître de la situation, rassemble le piano et l’orchestre dans un discours puissant et émouvant, pétri de couleurs et de détails qui rendent vivante cette valeureuse trajectoire de l’obscurité à la lumière.

L’Adagio retrouve le compositeur libéré de ses cauchemars, installé dans une vie plus gaie et prêt à renouer avec l’espoir, malgré son état encore fragile. Dans la partie centrale du mouvement, le dialogue entre le piano, la flûte et la clarinette semble arrêter le temps, comme pour permettre au voyageur, épuisé par une périlleuse traversée nocturne, de se poser et tendre son visage, rougi par l’effort, aux premiers rayons de soleil.

Enfin, dans le dernier mouvement, Allegro Scherzando, notre héros est pleinement réconcilié avec son existence et goûte une fois de plus aux plaisirs de la vie. Le son exquisément piquant et pittoresque du Verbier Festival Orchestra, la direction généreuse de Mäkelä et la virtuosité réservée de Pletnev fusionnent dans quelque chose qui transcende la somme de toutes les parts pour en faire émerger un Deuxième concerto rédempteur et d’une profonde humanité. Le public a ovationné les musiciens, les rappelant à revenir sur scène jusqu’à ce que Pletnev, d’un geste péremptoire, mette fin à ce cirque.

 

Une symphonie alpestre op. 64 de Richard Strauss

 

Le plateau se remplira après l’entracte pour la Symphonie alpestre de Strauss. Libéré du regard austère de Pletnev fixant son dos, Klaus Mäkelä retrouve sa fougue habituelle. Comme pour compenser la retenue dont ils ont fait preuve pendant la première partie, l’VFO et Mäkelä s’abandonnent à une énergie jeune et fraîche pour nous livrer Une Symphonie alpestre gigantesque. Exploitant jusqu’au bout la richesse de la masse instrumentale à sa disposition – plus de cent musiciens, machine à vent, cloches de vaches, fanfare séparée de douze cors, etc. – le chef finlandais sculpte le récit musical d’une journée en montagne avec nuance, précision et exaltation.

 

Richard Strauss compose son Alpestre entre 1911 et 1915. La création de la symphonie a lieu le 25 octobre 1915 à la Philharmonie de Berlin avec la Hofkapelle de Dresde, sous la baguette du compositeur. Grand amateur de montagne, Strauss a passé la deuxième moitié de sa vie dans la Villa Strauss, construite pour lui par l’architecte Emanuel von Seidl en 1908 dans le style Art nouveau et située à Garmisch dans les Alpes bavaroises.

 

Une Symphonie alpestre décrit les différentes étapes d’une randonnée à la montagne, inspirée par la propre expérience du compositeur : ascension pendant la nuit dans les sonorités sombres, levée du soleil éclatante de cuivres, marche dans la forêt et le long du ruisseau jusqu’à la cascade, représentée par les cors et les clarinettes imitant le chant des oiseaux, traversée des pâturages au son des cloches de vache, ascension périlleuse du glacier jusqu’au sommet, accompagnée par une fanfare de trombones, les passages orchestraux évoquant la beauté des paysages, orage et tempête, descente, coucher de soleil, nuit. Les vingt-deux tableaux d’une durée d’environ 45 minutes sont joués sans interruption et donnent à l’œuvre une indéniable qualité cinématographique.

 

Klaus Mäkelä est visiblement heureux comme un poisson dans l’eau devant un orchestre démesuré. Avec ses gestes amples et élégants, il s’efforce avec patience et application à restituer toute la palette de couleurs et à donner forme à chaque détail de cette partition monumentale. Son enthousiasme visionnaire canalise l’énergie volontaire d’un jeune orchestre débordant de talent. Ensemble, ils exécutent une Alpine exubérante et romantique à souhait, malgré quelques petites imperfections (dont un solo quelque peu poussif du hautbois) qui ne font qu’ajouter du charme à cette interprétation fort réussie.

 

En revanche, imposer un long silence dramatique avant de baisser la baguette pour déclencher les applaudissements est peut-être un choix judicieux pour un Claudio Abbado de 80 ans qui vient de diriger la Neuvième de Mahler, mais il ne semble guère approprié pour le jeune Mäkelä qui boucle Une Symphonie Alpine. « Quel bouffon ! », s’exclame une voisine. On ne peut pas s’empêcher de penser à Pletnev avec la nostalgie réservée aux espèces en voie de disparition.

 

 

Visuel : © Lucien Grandjean