Toni Grand au Musée Fabre de Montpellier

Enfant du pays, Toni Grand est né en 1935 et allait à l’école en cheval. Ayant étudié aux Beaux-Arts de Montpellier, il a résidé à Mouriès, en Camargue, et a travaillé toute sa vie avec des matériaux qu’il affectionnait et qu’il triturait : du bois (qu’il lui arrivait de prélever autour de sa propriété), de l’acier, de la résine ou encore des anguilles (on y reviendra).

Dans les premières salles de l’exposition : du bois sous toutes ses formes. Les œuvres nous entourent et nous observent, contrastent avec les murs blancs, Tony Grand n’aimant pas les socles. Dans un souci d’économie de moyens et de dépouillement, le bois y est tordu, courbe, sensuel, léger. Le mouvement y est naturel, le matériau est brut. Le bois est accroché au mur, posé au sol, privé de son écorce, débité, collé. L’importance de la matière est telle qu’une photographie géante de Tony Grand, posant devant un tronc d’arbre, nous invite au voyage, à l’entrée du musée. L’artiste joue avec les formes, tailles, ondulations, lignes, jeux d’ombres. Il le dit assez joliment : « Pour moi, une œuvre est terminée lorsqu’elle est dénuée du plus de significations possibles ».

Après avoir épuisé le bois, Tony Grand va s’intéresser aux pièces massives, visuelles, posées au sol. Ici, on voit du bois enrobé de résine, à l’instar d’une sorte de cacahuète géante à même le sol, libre. Un peu plus loin, des rondins de bois côtoient une œuvre composée de résine, de poisson, de bois. Le dialogue de matières s’installe, le vide et le plein se mélangent. On découvre dans les pièces qui suivent des rapprochements intéressants : des compositions à base d’anguilles (récupérées auprès de pêcheurs aux environs d’Arles) recouvertes de couches de résine et de fibre de verre. Ces poissons prennent des formes très différentes en fonction de leur manipulation (cubes, triangles ou parallélépipèdes). La forme dépend de ces poissons dont la postérité est enrobée dans la résine. On y repère l’irrégularité du poisson, sa fragilité, sa finitude aussi.

La dernière pièce de l’exposition présente les dernières expérimentations de Tony Grand. Dans les années 90, l’artiste renoue avec le bois, il le découpe à la scie à ruban. Cela donne de fines lamelles de bois qui, assemblées, ressemblent à des nuages fous et flous. Les lamelles obtenues établissent aussi ce qu’il appelait des « points de suspension », qui offrent un moment poétique, délicat, léger, fluide, contrastant avec la masse et la pesanteur de certaines œuvres en résine vues précédemment.

Ces « points de suspension » clôturent sobrement l’exposition. Ce denier geste, suspendu trop tôt, laisse imaginer que la créativité de l’auteur aurait pu déboucher sur d’autres idées, recherches.

En inventant de nouvelles formes et en utilisant des matériaux jusqu’alors inexploités artistiquement, Tony Grand marque. On apprécie, tout au long de cette exposition temporaire installée sur 850 m2, la simplicité, la beauté, l’humour et l’étrangeté des formes. Et ce sacré lien à la nature (qui aurait deviné que le visuel de l’exposition était composé d’anguilles ?) ? Peut-être que tout aura commencé à germer dans son esprit quand il se rendait à l’école à dos de cheval….