L’exposition Souvenirs de Jeunesse propose en près de 300 œuvres pour se pencher sur un moment très particulier de la vie d’artistes : la formation. Une manière brillante pour les Beaux-Arts de Paris de revisiter leurs archives et de montrer des chaînes de transmission.
Conçue collectivement par les étudiant·es de l’École d’architecture Paris-Malaquais, la scénographie est inventive : elle permet d’intégrer à la fois des archives, des documents (on adore la copie d’histoire de Georges Seurat !) et de révéler, sur deux étages plongés dans une obscurité intimiste, les lieux communs des exercices des étudiants passés par les beaux-arts.
Et l’on est surpris à chaque étape par des copies studieuses de grands maîtres, par des œuvres d’oubliés talentueux ou d’artistes connus pour autre chose (Stendhal par exemple!) aux côtés de ceux et celles qui ont marqué l’école et l’histoire de l’art, de Ingres à Hélène Delprat- qui sont d’ailleurs tous deux passés d’élèves à professeurs. L’exposition étend son scope sur 200 ans : elle commence en 1780 au moment où le sculpteur David, très engagé politiquement et manquant régulièrement le premier prix de Rome, transforme l’académie de peinture en école des Beaux-Arts. Elle se termine en 1980 quand l’école prend toute la mesure de l’impact de mai 1968. On assiste à la professionnalisation de l’enseignement et sa spécialisation en se promenant entre les ateliers. On voit également la féminisation de l’école qui commence par les modèles, puis les artistes qui sont bientôt lauréates de certains prix et enseignantes à leur tour… On assiste à un réel brassage social et on observe l’attractivité de l’école à l’international.
Et, surtout, l’on redécouvre chez ces artistes des êtres jeunes et angoissés : on repasse avec eux par les épreuves terribles des concours, notamment du fameux concours de Rome (qui a duré de 1666 à son abolition en 1968 par André Malraux). Et l’on réalise à travers leurs œuvres et leurs copies combien ils et elles ont eu des moments de doute affreux : les jeunes aspirants artistes ont du mal à vendre et se demandent s’ils vivront vraiment de leur art.
Les interventions de 8 étudiant.e.s qui sont actuellement en formation aux Beaux Arts, Mickael Berdugo, Margot Bernard, Pierre Guihard, Ruoxi Jin, Lisa Lecuivre, Caroline Rambaud, Nassim Sarni, Emmanuel van der Elst, finissent de rendre très concret ce stress de l’apprenti-artiste : en travaillant sur la matière sonore des archives aussi bien que sur les antisèches de leurs prédécesseur.es, ces jeunes pleins de rêves d’aujourd’hui sont un maillon indispensable à une grande chaîne de savoirs transmis – parfois dans la douleur- et qu’il faut découvrir dans cette immersion magnifique que propose Souvenirs de Jeunesse.
A noter : pour vous plonger en profondeur dans ces 200 ans d’apprentissage, le catalogue de l’exposition est aussi beau qu’exhaustif.
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Gina Pane, Carnet « lavis-aquarelle », 1963 © Gina Pane, ADAGP, Paris, 2024 © Photo. Archives Mennour, Courtesy Anne Marchand and Mennour, Paris