En ce jour de palmarès, l’équipe Cult a tenu bon jusqu’au bout, profitant du dernier jour pour rattraper ce qui échappait encore à notre sagacité, à savoir La substance de Coralie Fargeat et Anora de Sean Baker, la palme d’or de ce 77e festival de Cannes…
Par Geoffrey Navabian et Paul Fourier
Présenté en Compétition, ce long-métrage retrace la contestation récente menée par le peuple iranien contre la république islamique. Deux jeunes sœurs, leur mère et leur père (qui, lui, est juge d’instruction), voient leurs vies contraintes impactées, et la tension monter. Le réalisateur Mohammad Rasoulof signe un film dont le sujet engagé importe à fond.
« Avez-vous déjà rêvé d’une meilleure version de vous-même ? » Qui ne serait pas tenté ? A fortiori lorsque l’on est une star sur le retour à qui on fait bien comprendre que le temps d’antenne est over. Alors Elisabeth Sparkle (Demi Moore, sublime) va oser… mais pour jouer, il faut accepter d’avoir un double (chacun son tour, une semaine sur deux) et il faut que le double accepte les règles… Ce qui n’est, mauvaise pioche !, pas le cas et la mécanique va sérieusement se détraquer.
La film explose alors les compteurs et franchit toutes les lignes: l’héroïne, celles qui séparent une retraite paisible d’une plongée horrifique dans un ailleurs indicible, et Carolie Fargeat, celles du raisonnable en matière de gore. Quant à Demi Moore, en s’autorisant des scènes où elle s’expose comme jamais, elle franchit celles qui font d’une star un peu has been, une véritable icône. Évoluant entre la diabolique Margaret Qualley et le répugnant Dennis Quaid, l’actrice méritait amplement le prix d’interprétation. Le jury n’a pas su lui donner, dommage !
Alors, emporté dans cette noce de pus et de sang, plus le spectacle déraille, plus l’on est saisit d’un jouissif plaisir voyeur. On se moque bien que Fargeat se soit laissée, elle même, entraîner dans son propre tourbillon et nous couvre de sang et de viscère dans un dénouement superlativement gore du film. On adore cette accumulation autant que l’idée sous-jacente d’une revanche du « ridé et vieux » face au terrorisme « jeune et beau ». À ne pas rater (si votre estomac tient le coup !)
Nouveau loupé pour le chinois acclamé dans le temps Jia Zhang Ke, qui tente un film-collage à partir de séquences qu’il tourna tout au long du quart de siècle bientôt écoulé, et qu’il n’utilisa jamais. Le sens manque, et surtout, les différents matériaux ne se rencontrent pas pour donner quelque chose de respirant.
Le film d’animation du réalisateur français n’est pas parvenu à sortir de la fable de Jean-Claude Grumberg autre chose que l’exposition de personnages caricaturaux. Nous étions peut-être trop secoués par La substance ou trop obnubilés par le palmarès à suivre pour apprécier mais ce n’était, en ce samedi après-midi, vraiment pas « the good movie at the right place ».
Le fait qu’il ait reçu la palme nous a permis de voir, avec du retard, Anora, l’un des films les plus encensés de la sélection. C’est plutôt la déception alors que plusieurs autres œuvres pouvaient prétendre à la récompense suprême. L’histoire de la jeune strip-teaseuse, et escort à ses heures (excellente mais aussi agaçante Mikey Madison), Cendrillon de quelques heures qui épouse son jeune Prince, un fils d’oligarque russe, est bien menée. Et la course effrénée (et souvent grotesque) en quête d’un divorce réparateur suscite bien des moments de plaisir. Ceci étant, il manque au film, une once de folie (et encore plus de génie) pour hisser cette palme au niveau de certaines de ses prédécesseures (à commencer par Anatomie d’une chute, l’an dernier). Clap de fin pour ce 77e festival de Cannes (et rappel que chaque palmarès remporte toujours son lot de déception) !
Visuel : La substance ©