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Robert Badinter, l’homme juste est mort

par Amélie Blaustein-Niddam
09.02.2024

Il restera pour l’éternité celui qui a aboli, le 18 septembre 1981, la peine de mort en France. Robert Badinter s’est éteint dans la nuit du 8 au 9 février 2024 à 95 ans.

« Nul en effet ne peut nier qu’il compte parmi les rares personnalités qui, dans la Ve République, ont changé, par leur action politique et par leur influence morale, la société française », introduisent Dominique Missika et Maurice Szafran dans leur livre Robert Badinter, l’homme juste (éd. Tallandier, 2021).

Robert Badinter naît le 30 mars 1928 dans le 16ᵉ arrondissement de Paris. En 2015, il avait raconté l’histoire de sa famille. Il aura fallu du temps à l’enfant caché pour dire que toute sa famille n’avait pas survécu à la Shoah. De mars 1943 à août 1944 , Robert Badinter trouve refuge, avec sa mère, Charlotte Rosenberg, et son frère, Claude Badinter, à Cognin, en périphérie de Chambéry, où, inscrit avec de faux papiers, il entre au lycée Vaugelas, portant le nom de Berthet. Mais son père, un autre 9 février, a été pris lors de la rafle de la rue Sainte-Catherine à Lyon et fut déporté, puis assassiné dans le camp de concentration de Sobibor, en Pologne. C’est en raison de ce traumatisme-là que l’homme se dédia toute sa vie au droit. Sacha Ghozlan, avocat au barreau de Paris nous dit : « Il était un modèle de courage. Son verbe était précis. Robert Badinter était le plus grand des Avocats. Ses combats pour l’abolition de la peine de mort, contre l’antisémitisme, en faveur de la démocratie, contre l’extrémisme ont fait de lui un modèle d’engagement pour plusieurs générations. Ses livres Un antisémitisme ordinaire, Les épines et les roses ou Vladimir Poutine, l’accusation sont des monuments d’histoire et ses discours étaient d’une éloquence rare. ».

On se souvient de ses discours à qui rien ne pouvait s’opposer. Il y avait des colères aussi, comme ces mots prononcés le 16 juillet 1992 lors de la 50ᵉ cérémonie de commémoration de la Rafle du Vel d’Hiv :

« Je me serais attendu à tout éprouver, sauf le sentiment que j’ai ressenti il y a un instant et que je vous livre à l’instant avec toute ma force d’homme : vous m’avez fait honte. », alors que la foule sifflait François Mitterrand pour n’avoir pas voulu reconnaitre que Vichy et la France étaient indissociables.

L’ancien président de la république François Hollande, très proche de l’ancien Garde des Sceaux, a témoigné son admiration sur Instagram : « (…) Il ne voulait plus que l’on envoie à l’échafaud des hommes, et c’est ce qu’il a voulu faire passer comme message, non pas d’indulgence, nullement, mais de dignité humaine (…) ».

C’est ce même combat pour la dignité humaine qui a guidé sa volonté lors du vote, en août 1982, de la dépénalisation de l’homosexualité. C’est lui aussi qui a permis la suppression des quartiers de haute sécurité, l’accès des justiciables français à la Cour européenne des droits de l’homme ou une loi sur l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation.

Après son départ du gouvernement, il a présidé pendant neuf ans le Conseil constitutionnel (1986-1995). Il a lutté contre la peine de mort et contre les totalitarismes jusqu’à son dernier jour. Il a donné sa dernière interview, il y a presque un an, le 26 avril 2023, sur France Inter, au sujet de la guerre en Ukraine. « Je pense que nous ne réalisons pas assez, nous Français, qu’il y a une guerre en Europe. Aujourd’hui. À deux heures et quart d’avion de Paris. J’ai connu la guerre, je sais ce qu’est la guerre. Elle est là, elle existe ».

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