« Je vous invite tous et toutes à nous rejoindre la nuit du 4 au 5 juillet, afin qu’une autre nuit, celle du 7, ne marque pas l’entrée du festival [d’Avignon] en résistance, mais soit l’occasion d’une célébration », lance le directeur Tiago Rodrigues après la première d’Hécube pas Hécube à la carrière de Boulbon. En effet, ce dimanche 30 juin, 11,5 millions de Français.es ont voté pour le Rassemblement national. Des temps « inhabituels », selon le directeur du festival, qui appellent une décision « inhabituelle ». Depuis 2017 le spectre plane, à chaque élection se rejoue l’urgence à faire barrage, la surprise semble n’être plus de mise ; pourtant le choc est toujours le même.
Dans l’impuissance diffuse, pétrifiante, chacun.e cherche des ressorts, il faut gagner du temps. Il faut des évènements à adrénaline pour que soit encore possible le travail de long cours, ouvert en substance, auquel contribuent les artistes et professionnel.le.s de la culture. Alors, entre les deux tours, « le festival, la ville, les collectivités, les syndicats, le OFF, un large nombre d’artistes qui intègrent la programmation, et des individus de la société civile lancent La Nuit d’Avignon ». Entre le 4 et le 5 juillet, l’accès à l’ancienne cour du Palais des Papes sera libre et gratuit à partir de minuit et demi.
Après une représentation de Dämon (lire notre critique), tous les publics pourront participer à cette « nuit des arts, de pensée, de débat, de prise de parole, de geste artistique, de mobilisation, de force et d’espoir ». Un évènement très politique, en ce qu’il est « populaire, démocratique, républicain et donc progressiste, antiraciste, féministe et écologiste ». La majorité des professionnel.le.s de la culture partage ces valeurs, honnit le projet raciste du Rassemblement national : au festival d’Avignon, on ne trouve finalement que des convaincu.e.s.
C’est pourquoi l’ouverture des portes du Palais à tous.tes donne son sens à cette initiative, dans une zone où le Rassemblement national arrive en tête au premier tour. En effet, dans la première circonscription du Vaucluse, Catherine Jaouen (RN) remporte 34,32% des votes, suivie de Raphaël Arnault (Nouveau Front Populaire), avec 24,76%, et du dissident de gauche Philippe Pascal, qui ne franchit pas le seuil des 12,5% des inscrits.
Pour faire la différence à l’échelle locale, dans une circonscription gagnable par la gauche au second tour, mais également comme symbole national, Avignon se politise explicitement. Paradoxe, d’ailleurs : pour la première fois depuis que le festival existe, aucun.e représentant.e du gouvernement n’y est présent. La ministre de la culture Rachida Dati était aux abonné.es absent.es pour Dämon, première représentation du festival.
Les syndicats se mobilisent aussi : le 1er juillet, la CGT spectacle affiche son soutien au Nouveau Front Populaire et organise à 19h une assemblée générale au Théâtre des Abbesses, dans le 18e arrondissement. À leurs côtés, quinze syndicats ont signé un appel à rejoindre les mobilisations contre l’extrême droite, intitulé « La culture alerte. Danger. Gagnons dans la rue et dans les urnes ». Ils mettent en avant l’opposition totale aux valeurs du Rassemblement national, leur refus que la culture en fasse le lit, la défense de la culture comme service public, mais également la dégradation d’un secteur déjà fragilisé, auquel une majorité RN apporterait le coup fatal.
Si le secteur public, extrêmement sensible, n’attend pas pour se faire entendre, l’A.S.T.P. (association de soutien au théâtre privé) n’a pour l’instant pas communiqué sur la situation politique. Le syndicat des entrepreneurs du spectacle vivant, « La scène indépendante », a publié un communiqué le 28 juin appelant à « prendre la mesure de l’importance de son vote » et « ne peut se résoudre à imaginer un gouvernement qui serait une menace directe pour ces libertés fondamentales », sans citer la menace ou la façon de la parer. Le syndicat Ekhoscènes, anciennement Prodiss, n’a pas non plus communiqué. De la même manière, le Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence n’a pas pris position, et cela n’est peut-être pas indépendant de son public…
La Nuit d’Avignon : entrée libre dans la limite des places disponibles
Réservation conseillée sur festival-avignon.com