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29.06.2024 → 05.07.2024

« DÄMON El funeral de Bergman », Angélica Liddell évacue les vanités au Festival d’Avignon

par Amélie Blaustein-Niddam
27.06.2024

En ouverture du 78e Festival d’Avignon, Angélica Liddell s’empare de la Cour d’honneur pour le meilleur. DÄMON El funeral de Bergman est une déclaration d’amour à la vie qui se planque derrière la mort.

« À tous ceux qui, avec un dévouement passionné,
cherchent de nouvelles « épiphanies »  de la beauté »

Tout commence comme dans un spectacle de Romeo Castellucci. La performeuse espagnole pose sur scène des « objets » qui sont des images. Et quelles images ! C’est le pape en personne qui fait le tour de la propriété, il déambule de cour en jardin sur le plateau recouvert entièrement d’un sol rouge et ponctué d’une vingtaine de chaises roulantes en ses bords. En fond de scène, il y a un urinoir, un broc, un bidet et un WC. On sourit, on se demande à quelle sauce on va être mangé.e.s. Aller voir une pièce d’Angélica Liddell est un rite BDSM. On sait qu’elle va nous insulter, nous hurler dessus, nous soumettre et enfin nous subjuguer par des shoots de beauté. Pour cette pièce, elle n’attend pas. Le beau arrive excessivement vite. Elle fait apparaître des « fantômes » à toutes les fenêtres du mur de la Cour que nous n’avons pas vu aussi bien mis en scène depuis Inferno, toujours de Castellucci. Ensuite, elle entre en scène, nue sous une longue chemise blanche ouverte. Elle prend un bidet, se place « là, au centre », se lave le sexe et jette l’eau salie sur le mur du Palais des papes, afin de malmener un peu le catholicisme. C’est ce qui s’appelle savoir commencer un spectacle !

« Prend garde à toi connard »

Sa vision du théâtre est viscérale. Elle est là pour en découdre, pour faire surgir l’extra-ordinaire, l’essentiel. Dans sa quête existentielle, elle défie souvent la mort et la maladie. Ici, elle s’attaque à tout ce qui l’énerve et s’amuse à nous étriller, nous les critiques qui, parfois, nous amusons, quand nous trouvons un spectacle mauvais, à chercher la bonne phrase. C’est la règle du jeu. Pour le peu qu’elle existe encore, la critique est libre et elle peut séduire ou irriter les artistes qui de temps en temps expriment leur réaction avec panache. Et nous sommes les premières victimes de ce rituel qui suit à la lettre les dernières volontés d’Ingmar Bergman, qui lui-même détestait la critique. Elle cite les articles les plus durs la concernant et défie, telle un matador, celles et ceux qui l’ont « humiliée » à se montrer.  Ce faisant, elle singe le cinéaste suédois qui a poussé le geste bien plus loin en frappant un critique. Elle va loin dans l’insulte, jusqu’à transformer le nom du journaliste Stéphane Capron en gros mot. Cela a suscité un communiqué du syndicat professionnel de la critique théâtre,musique et danse en défense à cette attaque perçue comme une atteinte à la liberté de la critique, ce que la performeuse assume. Elle ose tout et depuis longtemps. C’est d’ailleurs sous la mandature Baudriller-Archambault qu’elle a été révélée au grand public avec El año de Ricardo et La Casa de la fuerza. Elle était de retour à Avignon en 2022, pour Liebestod, un manifeste contre la mort encore, autour du torrero Juan Belmonte.

Son bucher des vanités

Sur scène, elle invite Ahimsa, Yuri Ananiev, Nicolas Chevallier, Guillaume Costanza, Electra Hallman, Elin Klinga, Borja López, Sindo Puche, Daniel Richard, Joel Valois et une vingtaine de figurant.e.s pour la plupart très âgé.e.s. Montrer les vieux et les vieilles est rarement fait de façon aussi directe. Angélica Liddell expose les corps presque morts et assume le geste, résumant la vie à deux actes : arriver à bander, arriver à faire bander. Le sexe, le désir, sont omniprésents dans cette pièce. Il est le souffle de vie. Dans ce spectacle empli de démons rouges, d’âmes flottantes à la fenêtre des indulgences, d’hommes insectes qui jaillissent tels des cloportes le long du mur, le fantôme de Bergman apparaît. Il aspire à une mort tranquille et commande pour son enterrement une boîte en bois, exactement comme celle utilisée pour le Saint-Père, et le Songe de Strindberg, une des pièces qu’il a mises en scène à plusieurs reprises, y est ici à nouveau jouée.

 

Avec Dämon, Angélica Liddell nous met la tête dans « la merde », elle nous demande de bouffer nos consciences jusqu’à nos derniers démons. Pour elle, la « démence », la décrépitude, la douleur, sont toutes effacées par le filtre des vanités. Dans sa structure, Dämon est une pièce classique d’Angélica Liddell, l’une des plus belles du genre. Elle y manie avec un immense talent, la puissance de la logorrhée, des images à couper le souffle de beauté et de dégout. À la fin, on sourit, vous verrez, un peu essoré.e.s. Il n’est jamais vain, pour le coup, de se rappeler qu’on va mourir, c’est plus facile de l’entendre avec un air de Bach ou des Pet Shop Boys. Oui, Angélica Liddell cultive les grands écarts entre le beau et le kitsch, le léger et le violent, et cela vaut pour ses images, ses mots et sa bande-son très entêtante.

 

Voici une ouverture de festival parfaite, qui redonne sa place à la performance qui avait été bannie sous le mandat d’Olivier Py. C’est une pièce qui dérange et fascine, où le vulgaire se transcende en beauté. En ce jour de premier tour des élections législatives, il n’est pas vain justement de rappeler qu’un tel spectacle ne peut avoir lieu que grâce à un fort soutien du réseau public au niveau européen. Pour une fois, citons-les : il s’agit d’une production Atra Bilis – Iaquinandi SL, d’une coproduction du Prospero Extended Theatre, projet cofinancé par the Creative Europe programme of the European Union (Europe), Festival d’Avignon, Odéon – Théâtre de l’Europe (Paris), Teatros del Canal (Madrid), Théâtre de Liège, The Royal Dramatic Theatre Dramaten (Stockholm), Grec Festival de Barcelona, avec le soutien de la Fondation Ammodo, d’INAEM – Ministerio de Cultura pour la traduction et le surtitrage, du service culturel de l’Ambassade d’Espagne en France, et de Onda – Office national de diffusion artistique pour la 78e édition du Festival d’Avignon.

 

Jusqu’au 5 juillet à Avignon, puis du 26 septembre au 6 octobre au théâtre de l’Odéon

Visuel  : ©Christophe Raynaud de Lage

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